Euros 2024 : le titre pour Guignard/Fabbri, dans une ambiance de folie avec le bronze de Reed/Ambulevicius

Sur un petit nuage… S’il y avait sûrement de la tension chez Charlène Guignard et Marco Fabbri, cela ne s’est pas vu, ils ont patiné leur libre avec confiance et relâchement. Leur thème n’est pourtant pas léger, ils utilisent les musiques ‘Throught the sheets’ d’Abel Korzeniowski, ‘Arrival of the birds’ du Cinematic Orchestra, ‘A model of the Universe’ de Johann Joahnnsson, issues notamment du film ‘The theory of everything’ qui retrace la vie de Stephen Hawking. Surtout, que d’émotion ! On les sent vibrer jusqu’au bout de doigts. Ils sont étonnamment sous leur meilleur score de la saison, et pour plus de deux points, mais leurs notes restent excellentes : meilleure note technique de base, meilleures notes d’exécution (+25 points) et meilleures composantes. Ils repartent très logiquement en or en doublant leur titre obtenu l’année dernière (127.58 points dans le libre, 214.38 points au total).
‘On est super contents, non seulement d’avoir patiné, mais aussi de la façon dont a gérer cette compétition et tout le stress qu’il y avait. Surtout devant un public comme ça, 11 000 personnes c’était incroyable ! Il a soutenu le couple lituanien ce qui est logique, mais il nous ont également soutenu, c’était très fort. L’année dernière on sentait qu’on se devait de gagner le titre, la tension était grande. Cette année on était les favoris, la pression était différente, on a réussi à plus profiter du moment. Ce n’était pas parfait, mais la compétition était moins dure pour nous qu’en Finlande.
C’est certain, on ne patine pas tous les jours devant un tel public, quelle ambiance ! Ca nous donne énormément d’énergie quand on se sent fatigués dans le programme. Et même plus, ça reste un moment unique, car il est rare de patiner devant tant de personnes. Ca nous est déjà arrivé au Japon, mais le public est plus réservé. C’est ce genre de moment dont on se souvient les jours où on est plus fatigués, où on a moins envie de s’entraîner, où les choses vont un peu moins bien, car ce sont de précieux souvenirs qu’on gardera longtemps, et qui nous motivent’.

Sur un medley de musique de ‘Rocky’, Lilah Fear et Lewis Gibson repartent en argent, comme l’année dernière. Ils ont eu fort à faire en début de programme, car ils sont passés tout juste derrière les Lituaniens, qui avaient déchaîné le public, surtout à l’annonce de leur médaille (voir plus bas). Du coup, il a fallu attendre que la tension cardiaque redescende à un niveau habituel, mais les encouragements se sont faits plus nourris après la séquence chorégraphique barrière-barrière. On retrouve dans ce programme tous les éléments de l’univers de la boxe, les échanges de coups de poing, la corde à sauter, etc… Lilah et Lewis sont de très bons acteurs, ça va vite et ça plait. Ils sont également sous leur meilleur score de la saison (de 4.5 points), Lilah perd un niveau sur le twizzles et sur la diagonale. Les notes d’exécution augmentent leur score de 24 points, pour un total de 125.62 points sur le libre et 210.82 points au combiné.
‘Du début à la fin on s’est servi de l’énergie que nous donnait la foule pour nous battre jusqu’au bout. Il y a eu quelques petites erreurs, mais on est très contents dans l’ensemble. C’est sûr, on est rentrés sur piste dans une ambiance énorme, tout le public saluait la performance des Lituaniens, on n’a jamais vécu ça. On s’entraîne avec eux, on s’entend très bien, c’est chouette de faire partie de leur aventure. On a aussi participé à plusieurs compétitions ensemble, on a pu pouvoir toute leur éthique de travail, ils n’ont pas fêté Noel, ils n’ont pas fait de sorties, tout ça pour s’entraîner, ils avaient une telle opportunité et ils ont tout donné pour obtenir la médaille, on est très contents pour eux’.

Un grand moment de ces championnats, si ce n’est LE grand moment de ces championnats : Allison Reed et Saulius Ambrulevicius repartent en bronze en patinant devant leur public ! Il faut dire que l’organisation a été faite en fonction : pendant le dernier resufaçarge les volontaires ont distribués des feuilles A4 rouges, vertes et jaunes en les étageant sur tous les sièges des premiers rangs pour reproduire le drapeau lituanien… qui n’ont pas tant servi que ça car le public était venu avec ses propres drapeaux. Les musiques passées pendant les pauses étaient également très connues du public (dont ‘le deuxième hymne national’ comme le qualifiera Saulius). Il se trouve que la compétition se tient le 13 janvier, le jour de la fête nationale, appelé ici le jour du souvenir, en écho à l’indépendance du pays obtenue il y a 32 ans maintenant. Tout le public a entonné l’hymne national a capella, de quoi vous mettre des frissons, surtout que l’ambiance de folie a laissé place à une minute de silence, encore plus impressionnante dans une patinoire pleine à ras bord.
Dans ces conditions, même si la médaille vous tend les bras, il faut encore patiner ! C’est ce que sont arrivé à faire Allison et Saulius, même si j’ai trouvé Allison très concentrée et du coup moins expressive que d’habitude sur les premiers deux tiers du programme sur ‘Enough of our machines’. J’ai bien aimé les passages où Allison tend délicatement sa main à Saulius, sans le regarder, tout en étant sûre qu’il la trouvera exactement là où elle doit se trouver. Manque un petit niveau pour elle sur la diagonale, mais les juges améliorent la note technique de base de 23 points, ils battent leur meilleur score de 3.5 points (122.64 points, 203.37 au total).
Comme souvent ils terminent sur un morceau plus techno, ‘Children’ de Tokio Myers, ce qui m’a laissé une impression mitigée après la première partie plus lyrique. Ce n’est pour ma part pas le programme de la soirée, mais c’est leur moment, le public est debout avant même la fin du programme, y compris le président de la fédération lituanienne qui saute sur place, alors qu’il est assis en tribune on-ne-peut-plus-officielle, à côté des speakers derrière les juges; c’est leur consécration, un grand moment de communion nationale, et je ne peux que me réjouir pour eux.
Pendant la cérémonie des podiums la patinoire a carrément été transformée en discothèque, avec sono à fond, public en délire, et une Ola après une bonne dizaine de minutes de danse. Les Lituaniens savent mettre l’ambiance !

Dans un style complètement différent, ‘Elegie en mi bémol mineur’ et le ‘Prélude en do dièse mineur’ de Rachmaninov, Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud grignotent les places européennes et terminent au pied du podium avec 197.17 points, dont 118.7 point sur le libre, tout juste au-dessus de leur meilleur score. De très bonnes notes d’exécution (+20), les niveaux qui montent, ils ont énormément progressé dans la connexion et l’interprétation.
‘On s’est super bien sentis aujourd’hui, mieux qu’hier. La patinoire était pleine, c’était très chaleureux, ça reste un moment très spécial. On est vraiment satisfait, on fait une bonne compétition, avec notre meilleur score de la saison, un top 5, on va dans la bonne direction’.

Bonne surprise également pour Loicia Demougeot et Théo Lemercier, qui ont sorti un excellent programme sur ‘Clair de lune’ de Debussy suivi de ‘Waves’ de Chilly Gonzales. Quelle classe ils ont désormais ! Les grandes lignes sont bien mises en valeur, ils assimilent le classicisme avec toujours une touche villardienne. Attention également car ils font désormais jeu égal en technique avec Evgeniia et Geoffrey. Peut-être encore un peu plus de vitesse ? Mais un très bon moment, seule la séquence sur un pied est niveau 2 pour Loicia, l’enchaînement du porté rotatif à la suite du porté stationnaire fait toujours son effet. Ils remontent à la 5ème place avec 116.46 points dans le libre (meilleur score amélioré de 2.5 points) et 192.15 points au final.

Le meilleur programme de la soirée pour moi, est le libre des Finlandais Juulia Turkkila et Matthias Versluis, sur ‘Mass’ et ‘Loss’ de Phoria. La première minute et demie, avec la musique douce, sans trop de percussions, est sublime de délicatesse. Ils sont su renouveler leur gestuelle avec des mouvements de bras type ‘sémaphore’, entre classicisme et modernité. Le costume est sobre, dégradé de bleu pour elle, de noir pour lui, c’est subtile, intelligent, j’adore. Les juges beaucoup moins, ils ne récoltent que des niveaux 2 sur la circulaire et la séquence sur un pied, avec même un point de déduction pour élément en trop lors de la séquence chorégraphique. Ils totalisent 115.72 point sur le libre (-2.5 points par rapport à leur record), et 192.08 points au total, pour la 6ème place au final.
‘On s’est sentis plus forts qu’hier dans notre patinage, on a fait une bonne performance, on est très contents de notre interprétation de la musique. Le point de déduction pour élément additionnel nous laisse vraiment perplexes. C’est peut-être à cause d’un mini-porté dans la séquence chorégraphique, on va vérifier. C’est étrange car c’est la première fois que ça arrive cette saison. Dans l’ensemble, une carrière peut avoir des hauts et des bas, là c’est une petite baisse, on va rester concentrés sur notre travail, et travailler encore et encore pour nous améliorer, surtout sur la rhythm dance où les niveaux étaient bas’.

Les frère et sœur Natalie Taschlerova et Filip Taschler perdent une place sur ‘Bluecobalto’ de Negramaro. Ils manquent de préparation, c’est visible, et comparé aux autres libres du dernier groupe, j’ai trouvé que leur programme manquait de lisibilité, d’homogénéité. Ils repartent avec 114.87 points et 191.55 points au total.

Marie Dupayage et Thomas Nabais continuent à marquer les esprits à chacune de leurs sorties. Il faut dire que leur libre sur ‘Mechanisms’ de Kirilli Richter et l’Arioso du concerto en fa mineur de Jean-Sébastien Bach, version William Haviland, est une petite merveille, qu’ils ont parfaitement patiné aujourd’hui. Ils sont 12èmes avec 105.83 points, et 12ème de la compétition avec 170.98 points.
‘On s’est vraiment amusés. Sur la ryththm dance on a fait des erreurs stupides, comme le point de déduction sur le porté trop long. Les twizzles, on les prend toujours avec beaucoup de vitesse donc on sait qu’il y a toujours un risque d’avoir un déséquilibre. C’est dommage car tous les points comptent, on espérait se rapprocher du top 10. Notre danse libre était un très bon moment, on est contents de pouvoir montrer qui on est, on a des retours qui montrent qu’on commence à nous remarquer, on est vraiment ravis ! On essaye de se démarquer, en terminant par une partie lente. Notre challenge cette saison est de marquer suffisamment de différences au niveau de l’interprétation pour que les différentes parties de notre programme soient lisibles, et que la fin ne soit pas ennuyeuse. On n’avait jamais patiné devant un public si nombreux, c’est une sacrée expérience, ça nous a vraiment porté. Sans nous déstabiliser, car on est restés concentrés sur notre performance.’

Dans le reste du classement, j’ai été agréablement surpris par le ‘Vogue’ des Ukrainiens Mariia Pinchup et Mykyta Pogorielov, par le tango du deuxième couple lituanien Paulina Ramanauskaite et Devidas Kizala, ainsi que par le ‘Chicago’ des Finlandais Yuka Orihara et Juho Pirinen.

(photos @ ISU quand indiqué)