Entretien avec Lia Pereira et Trennt Michaud

A l’occasion du Grand Prix d’Angers, nous avons retrouvé les patineurs canadiens en couple Lia Pereira et Trennt Michaud, qui ont remporté la compétition, en se qualifiant par la même occasion pour la Finale qui a lieu ce week-end.

Vous souvenez vous de la première fois où vous avez chaussé des patins, et du moment où vous avez su que ce serait votre sport ?
Trennt :
Je m’en souviens assez bien, c’était des patins blancs, car les patins noirs pour les garçons étaient plus rares, et ça revenait assez cher d’en acheter. J’ai tout de suite adoré les sensations, même si j’ai fait de grosses chutes !
Comme souvent au Canada j’ai d’abord essayé le hockey, mais j’ai été évincé des cours car j’étais mauvais en patinage, et j’avais à l’époque une attitude très agressive : j’avais une légère tendance à frapper les autres patineurs avec ma crosse par exemple… Je suis alors parti vers l’artistique, mais j’ai toujours des patins de hockey, et je donne des cours de power skating aux hockeyeurs.
Ensuite, mon entraîneur de l’époque m’a demandé si je voulais faire du couple ; je n’y connaissais pas grand-chose, je suis rentré chez moi pour regarder sur youtube les programmes de Jamie Salé et David Pelletier au Jeux de Salt Lake City, ça m’a convaincu d’essayer. De toute façon le patin c’est ma vie, c’était déjà clair à l’époque.
Lia :
De mon côté j’ai essayé plusieurs sports quand j’étais plus jeune : le foot, la gym, la natation… à un moment mes parents m’ont dit : ‘choisis-en un !’ J’ai choisi le patin, même si à l’époque j’étais plus forte en gym. J’aime beaucoup la communauté du patinage, il y a aussi une grande variété au niveau des éléments, contrairement à des sports de puissance comme le sprint ou le cyclisme. Il faut bien sûr de la force, et aussi de l’agilité, et le côté artistique est très important pour moi.
Trennt :
C’est ce qui fait du patinage un sport unique, la possibilité de plonger dans nos émotions pour les transmettre au public, ça ouvre beaucoup de portes, c’est vraiment chouette.

Vous vous souvenez de votre tout premier tout de piste ensemble ?
Trennt :
Oui, c’était il y a tout juste un an et demi ! On a commencé par des portés au sol, et j’ai su que Lia serait une super partenaire, je n’ai pas essayé avec d’autres patineuses.
Lia :
J’avais fait du couple 5 ans plus tôt en novice, avec mon partenaire de l’époque qui découvrait lui aussi la discipline. On a donné tout ce qu’on a pu, mais finalement vus les emplois du temps chargés lors des compétitions j’ai laissé de côté le patinage individuel [Lia a dû par exemple patiner deux programmes courts puis deux programmes libres le lendemain lors des derniers championnats canadiens]. Avec Trennt on a essayé pendant deux jours, alors qu’au même moment j’avais de mon côté une compétition en individuel. Puis on s’est dit ‘à demain’, sans qu’officiellement on se confirme qu’on patinait ensemble pour de bon. On est donc théoriquement toujours à l’essai !
Trennt :
J’ai su tout de suite qu’avec Lia on pourrait faire de belles choses, dès les essais de portés hors glace. Je crois qu’elle ne me croyait pas vraiment alors, mais notre entraîneur [Alison Purkiss] était sûr de notre potentiel.
Lia :
J’avais l’impression, que j’ai toujours, d’apprendre 100 nouvelles choses chaque jour, et ce pendant 3 mois. Surtout qu’on a tout de suite participé à des compétitions.

Et sur glace, comment avez-vous trouvé vos repères ?
Lia :
C’était tout de suite assez facile. Trennt et moi avons des proportions physiques similaires, pas trop grand mais puissants. Il a bien sûr fallu ajuster beaucoup de choses de mon côté, je n’ai pas l’habitude de patiner avec quelqu’un, il faut se caler sur le même rythme. Mais tout ce travail booste ma confiance.
Trennt :
C’était vraiment bien sur la glace, on n’a pas passé des heures et des heures à faire des croisés arrière pour être ensemble, on était déjà calés. Bien sûr avec une nouvelle partenaire il faut ajuster les positions sur les portés, les sauts lancés, etc, on est toujours en apprentissage. Mais globalement la partie patinage de couple n’a pas posé de gros problèmes.
Lia :
C’était même peut-être plus facile pour moi qui partait quasiment de zéro que pour Trennt qui devait réapprendre comment faire les éléments.

Généralement quand un nouveau couple se forme, un des éléments les plus durs à maîtriser est le Twist, est-ce le cas pour vous ?
Lia :
Non, sur tout ce qui rotation je me sens globalement à l’aise, j’ai l’habitude avec le patinage individuel avec les triples sauts, seuls ou en combinaison triple-triple. C’est juste que la rotation se fait différemment.
Trennt :
L’élément le plus dur pour nous est la spirale de la mort, il n’y a rien à quoi se raccrocher, c’est un mouvement complètement nouveau pour Lia.

Trennt, quand ton ancienne partenaire a décidé d’arrêter, t’es-tu également posé la question de raccrocher ?
Trennt :
Pas du tout, j’ai tout de suite échangé avec mon entraîneur pour continuer la compétition, je sentais que j’avais encore des choses à apporter, je n’étais pas fini. Je n’ai donc fait qu’un seul essai, avec Lia, et c’était tout de suite le bon.

Lia, comment as-tu pris la proposition de patiner avec Trennt, qui avait déjà un palmarès fourni en couple, était-ce motivant ou stressant ?
Lia :
Au départ j’ai cru à une blague ! Et puis j’y ai réfléchi, et plus ça allait plus je me disais que je pouvais essayer le couple de nouveau. Finalement j’ai eu peur qu’on me dise ‘au fait, la proposition ne tient plus, Trennt a trouvé quelqu’un d’autre’. Je ne voulais pas me dire que je n’avais pas essayé. Et je connaissais Trennt, quand j’ai fait du couple en novice il arrivait qu’on patine ensemble aux entraînements.

Lia, tu abandonnes donc le patinage individuel pour te consacrer au couple ?
Lia :
C’est tout à fait ça, mon emploi du temps devenait surchargé, et le haut niveau demande beaucoup d’implication.
Trennt :
Surtout qu’on est également tous les deux à l’université ; j’étudie la psychologie et les sciences sociales, Lia est en études de commerce.

Lia, tu as mentionné les autres triples que tu faisais en individuel, ou les combinaisons triple-triple, ce sont des éléments qu’on pourrait revoir dans vos programmes ?
Lia :
Oui, pourquoi pas !
Trennt :
Cet été je me suis entraîné sur les triples sauts, autres que le boucle piqué ou le Salchow qu’on présente en compétition, car Lia a un très bon triple flip ! J’ai même travaillé la combinaison triple boucle piqué-triple boucle piqué, mais pour l’instant une combinaison triple-double-double ou la séquence triple-double Axel-double Axel qu’on présente rapportent beaucoup de points, ça ne vaut peut-être pas le coup de tenter. Mais bon, les règles peuvent changer, on la garde la combinaison triple-triple en tête au cas où, on verra cet été.
Lia :
En plus, travailler les autres sauts améliore ceux qu’on fait plus souvent.

Trouvez-vous votre inspiration dans des patineurs en particulier ?
Trennt :
On trouve beaucoup d’inspiration chez les anciens patineurs canadiens, comme Salé/Pelletier, Dubé/Davison, Meagan et Eric, Kirsten (Moore-Towers) et Mike (Michaël Marinaro). Mais on aime aussi Sui/Han, avec leur quadruple Twist, et leur touché de glace. On regarde également les danseurs, je ne peux pas regarder le programme ‘Moulin rouge’ de Virtue/Moir sans verser une petite larme.

Vous avez progressé à une vitesse incroyable en terminant 6èmes des mondiaux l’an dernier, en remportant votre premier Grand Prix ici à Angers et en vous qualifiant pour la Finale, comment expliquez-vous ce succès ?
Trennt :
La meilleure explication tient à tout notre staff. Je pense que rien n’arrive sans raison, c’est juste le bon moment pour nous, on est reconnaissants de tout ce qui nous arrive.
Lia :
Notre équipe d’entraîneur tient à nous en tant que patineurs mais également en tant que personnes. On se connait depuis longtemps, c’était mon ancien entraîneur quand j’étais en couple novice, elle a suivi plusieurs équipes avec succès, on est en pleine confiance. On a vraiment une belle qualité de relation, y compris en dehors de la patinoire, on est très proches. Ca rend l’entraînement plus facile, il y a vraiment une bonne communication.

Quels sont vos objectifs pour le futur ?
Trennt :
On est très excités de s’être qualifiés pour la Finale du Grand Prix. Il y a ensuite les Mondiaux au Canada, à Montréal. Mais notre objectif ce sont les prochains Jeux Olympiques en Italie, on prend chaque compétition comme un entraînement en vue de cet objectif.