Masters 2022 : victoires pour Lorine Schild, Adam Siao Him Fa, Camille et Pavel Kovalev, et Evgeniia Lopareva/Geoffrey Brissaud

DAMES

Lorine Schild remporte les Masters 2022, avec un programme solide. Après un très bon début de saison (6ème place aux Grand Prix juniors d’Ostrava et de Gdansk), Lorine confirme à Villard de Lans son état de forme. Elle place en entrée de programme la combinaison triple Salchow-triple boucle piqué et le triple Lutz ; le reste est tout aussi fort, avec notamment un deuxième Lutz, et deux triple boucle. Elle pose les deux mains à réception de son dernier triple, ce sera sa seule erreur. A 17 ans, presque 18 (elle les aura en début d’année prochaine), Lorine présente une interprétation convaincante sur le ‘Tango de Roxane’. Elle empoche 122.80 points sur le libre et 182.20 points au total. L’année dernière, j’avais noté que sa victoire en junior lui aurait permis de gagner en sénior… c’est chose faite cette année ! Victoire qui pourrait logiquement lui ouvrir la porte du Grand Prix à Angers… mais sa participation n’est pas possible, les règles de l’ISU interdisent aux patineurs de s’aligner la même année en Grand Prix junior et senior.

Très bon choix musical pour Léa Serna, ‘The alchemist’ d’Enigma donne une ambiance un peu mystique, ça lui va bien. Bonne entame de programme, avec le triple flip et la combinaison triple boucle piqué-triple boucle piqué. Léa enchaîne le triple Lutz en fin de programme en séquence avec double Axel, mais entre temps il y a eu un peu trop d’hésitations (retournement sur le triple boucle, Salchow tourné en double), elle termine par une chute sur le triple Lutz. Reste donc encore de la confiance à engranger sur ce nouveau programme, car si on sait Léa moins à l’aise sur les sauts de carre, le Lutz ne devrait pas lui poser de problème. Avec 119.27 points dans le libre et 179.43 points au total, elle perd une place et termine à la deuxième place.

Maïa Mazzara a elle aussi alterné le bon et le moins bon, sur les musiques ‘Demimonde’ d’Abel Korzeniowski et ‘Paint it black’. Triple flip d’entrée en combinaison, faux départ sur le triple Lutz tourné en double, elle se reprend avec le triple boucle (incomplet) et le triple Lutz les deux bras en l’air, dommage la dernière combinaison double Axel-euler-triple Salchow est incomplète. Je l’ai senti concentrée dans son programme, notamment sur la prise d’élan des Lutz. Comme Léa, elle a tout pour dominer la catégorie, reste à stabiliser les sauts et à enchaîner les bons programmes (et corriger la carre d’appel du Lutz). Plus simple à dire qu’à faire, j’en conviens ! Elle repart en bronze avec 103.97 points sur le libre et 164 points au total.

Maé-Bérénice Méité conserve sa 4ème place du programme. Que dire, que dire de Maé… Respect immense, quel courage ! Revenir à ce niveau après sa blessure des championnats du monde de Stockholm en 2021, c’est une sacrée leçon de volonté et de persévérance. Elle a choisi la musique ‘I surrender’ de Céline Dion, mais le moins qu’on puisse dire, c’est que Maé n’abandonne jamais, quelle guerrière ! Les entraînements hier soir étaient rassurants, les sauts sont tous là. Maé n’a pas forcément autant de marge de manœuvre que précédemment, il reste encore quelques réglages à peaufiner. Dans le programme c’est un peu plus dur : après la combinaison double Axel-triple boucle piqué, elle chute sur le triple Lutz. Le triple flip passe plutôt bien, même si les juges considèrent qu’il manque de rotation (comme plusieurs de ses sauts), mais le triple boucle qui suit n’est pas déclenché. Sur ce point on sent que Maé a juste besoin de répéter encore et toujours ses programmes, à l’entraînement le flip et le boucle passaient bien séparément, mais ils se suivent dans le programme et l’enchaînement est plus compliqué. Elle retente le Lutz (il manque un tour) preuve de l’ambition du programme. Elle termine avec 150.19 points, dont 102.54 points sur le libre.

Sophia Marrouf n’a pas encore le même répertoire technique que ses concurrentes, elle termine 5ème avec 73.57 points et 113.52 points au final.


MESSIEURS

Adam Siao Him Fa remporte haut la main cette édition des Masters, en gagnant le court (85.60 points) et le libre (193.06 points). Son total de 278.66 points est une sacrée référence : certes il y l’inflation nationale, mais ce score l’aurait positionné l’année dernière en argent aux Europes et en bronze aux Mondiaux… Déjà vainqueur du Lombardia Trophy cette saison, Adam fait quasiment 50 points de plus à Villard. Et c’est mérité, car techniquement tout est parfait : quadruple boucle piqué-double boucle piqué en début de programme, suivi du triple Axel et du quadruple Salchow, superbe (un juge le note à +5). Surtout Adam ne lâche rien, et réussi quadruple boucle piqué-euler-triple Salchow et triple Lutz-triple boucle piqué en partie bonifiée. Impressionnant de concentration, alors qu’Adam a pu montrer par le passé quelque relâchement en cours de programme. Surtout qu’il n’y a pas que la technique qui est excellente (quasiment toutes les GOE sont à +2/+3) : Adam a beaucoup progressé sur ses notes de composantes. Gestuelle souple, moderne, Adam est aussi rapide dans ses déplacements sur la musique de Woodkid, la séquence de pas est toujours aussi dynamique, mais se détache moins du reste du programme, preuve que c’est le reste du programme qui se développe. De très bon augure pour la suite de la saison.

Son grand rival Kevin Aymoz a malheureusement dû déclarer forfait sur blessure. Après une jolie deuxième place à Lake Placid cet été, Kevin est apparu hésitant sur le programme court à Villard, avec trois chutes. Un bon libre pouvait le relancer, mais il chute d’entrée sur le quadruple boucle piqué (qui manquait un peu de vitesse sur la prise d’élan selon moi). Sur le boucle qui suit, Kevin ne fait que double et se réceptionne mal. Il ne se relève pas, agite la main de douleur ; beaucoup ont pensé qu’il s’était coupé ou fait mal au poignet, mais c’est la cheville qui a vrillé.

Moment très triste où on voit Kevin à genoux sur la glace, agrippé à la balustrade, expliquant au juge arbitre qu’il ne peut pas continuer. Il est finalement porté hors de glace. Espérons que sa blessure ne soit pas trop grave et qu’il puisse se remettre vite, il a toutes les qualités pour briller au plus haut.

C’est finalement Landry Le May qui prend la 2ème place avec 146.18 points et 212.80 points au total. Après une très modeste avant-dernière place au Nepela Memorial de Bratislava, Landry est apparu sous un bien meilleur jour. Triple Axel-double boucle piqué d’entrée, le retour du quadruple boucle piqué, on le sent en forme ! Il chute sur son deuxième triple Axel, incomplet, mais c’est sa seule erreur, il enchaîne avec de grosses difficultés : triple flip-euler-triple Salchow, triple Lutz et triple boucle piqué-triple boucle piqué. Par contre, il faudrait revoir le montage musical : ‘Papa was a rolling stone’ est un bon choix pour Landry, mais la musique n’est pas assez forte, on entend surtout le tempo. On attend le moment où tout va s’emballer, mais ce moment n’arrive pas, ou pas assez clairement. A suivre.

Luc Economidès complète le podium avec 206.89 points dont 128.92 dans le libre. Luc est passé un peu à côté de son programme, il faut dire que la chute sur le quadruple Salchow d’entrée, et celle sur le triple Axel qui suit, n’ont pas dû aider. Il termine néanmoins avec triple Lutz-triple boucle piqué, bien exécuté. Attention au timing entre l’annonce de son nom et le début du programme, dommage de perdre un point pour départ tardif…

Davide Lewton-Brain prend la 4ème place avec 122.13 points et 189.05 points au total. Davide présente tous les triples et une combinaison triple-triple, avec plus ou moins de réussites : chute sur triple Salchow, flip doublé, mais triple-triple à +2 chez la plupart des juges. Il devance Samy Hammi (118.96 points et 185.40 points au total), qui a toujours de grosses capacités techniques mais un peu de difficulté à déclencher ses triples.


COUPLES

Camille et Pavel Kovalev patinent cette année leur libre sur ‘Caruso’, réarrangé par Maxime Rodriguez. Camille semble moins en difficulté sur le triple boucle piqué, qui passe aujourd’hui comme dans le court, malgré un manque de rotation. Le triple twist, de niveau 1, reçoit des notes à +1, preuve qu’ils ont progressé sur cet élément. Un peu dur de tenir jusqu’au bout du programme, le triple lancé est chuté, le Salchow lancé n’est qu’en double. Alors qu’ils n’étaient pas sûr de continuer cette année, leur persévérance paye ! Avec 104.94 points sur le libre et 166.21 points, ils repartent en or.

Océance Piegad et Denys Strekalin, sont en gros progrès depuis leur première compétition, ils gagnent le libre ici à Villard de Lans pour 10 petits centièmes (105.04 points), pour un total de 157.29 points, soit presque 20 points de plus qu’au Nebelhorn Trophy. Ce qui m’impressionne le plus chez ce jeune couple qui ne patine ensemble que depuis 7 mois, c’est le niveau où ils sont déjà. Les éléments de couple sont même leurs points forts, avec un double Twist énorme et des portés très solides. Musiques douces pour les accompagner, même si elles ne sont pas inconnues des patinoires (‘To build a home’ par Cinematic Orchestra et ‘Experience’ par Ludovico Einaudi), ce style leur convient bien. Il reste bien sûr beaucoup de travail à venir ; leurs notes d’exécution sont déjà très bonnes (globalement à +2) et ils pourraient rapidement présenter le triple Twist (il semble même y avoir de la place pour un tour de plus !).

Aurélie Faula et Théo Belle complètent le podium avec 106.48 points dont 70.68 points sur le libre sur les notes de ‘Where’s my love’ de SYML. Leur arsenal technique est encore réduit (combinaison double-double, simple boucle lancé), ils tentent pourtant triple Salchow en parallèle (incomplet et chuté par Aurélie) et le triple Salchow lancé, assez réussi.

Coline Keriven et Tom Bouvart empochent 67.73 points sur le libre pour 102.07 points au total et la 4ème place. Également ensemble depuis peu, il leur reste beaucoup de travail : les sauts lancés sont présentés en triple, mais les portés montent difficilement et restent quasi sur place. Néanmoins, que plaisir de voir autant de couple dans la catégorie !

Surtout que chez les juniors, on retrouve les deux couples déjà présents l’an dernier, pour un total de 6 couples engagés dans les deux catégories. Pour tracer leurs progrès, rien de mieux que de reprendre un article vieux d’un an, sur l’édition 2021 des Masters :

En junior couple, Oxana Vouillamoz et Flavien Giniaux terminent en première position (100.41 points) devant Louise Ehrhard et Matthis Pellegris (88.24 points).

Cette année, si le classement est inchangé, les scores respectifs sont de 139.45 pour Oxana Vouillamoz et Flavien Giniaux  et de 107.44 points pour Louise Ehrhard et Matthis Pellegris. Chaque couple a donc incontestablement progressé, même si Oxana Vouillamoz et Flavien Giniaux se détachent nettement. Leur début de programme est assez compliqué, avec la séquence Axel-Axel que Flavien ne fait qu’en simple-simple puis chute, et les deux sauts lancés à la réception difficile. La fin, toujours sur la musique ‘I wish’ de Leah Marie Mason est de meilleure qualité, avec notamment de bons portés niveaux 4. A noter que leur Twist, en triple et de niveau 2, récolte la meilleure note sur cet élément, junior et senior confondus.

C’est la fin de programme qui est à l’inverse plus compliqué pour Louise Ehrhard et Matthis Pellegris, avec une chute sur le triple Salchow lancé, et une autre à la toute fin d’un porté, alors que le début s’est bien passé avec le double Twist et la séquence Axel-double Salchow.


DANSE

Avec l’année sabbatique que s’octroient Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud sont les leaders logiques de l’équipe de France de danse sur glace. La victoire leur tendait les bras ici, encore fallait-il aller la gagner. C’est chose faite, et de la meilleure manière avec 121.23 points sur le libre et 201.13 points au total (soit dix de plus que l’année dernière). Evgeniia et Geoffrey ont choisi des musiques d’Edith Piaf, ‘L’accordéoniste’, et ‘Mon dieu’. Musiques lentes et très tristes, la première racontant le destin sombre d’une fille de joie dont l’homme, accordéoniste, part à la guerre pour ne pas en revenir, la deuxième semblant clairement faire référence à la tragique disparition de Marcel Cerdan. Pas évident d’assumer ces thèmes, surtout que sur un tempo lent, il faut être irréprochable techniquement. C’est ce qu’Evgeniia et Geoffrey arrivent à faire ! Ils ont fait d’énormes progrès, il semble presque être un nouveau couple sur la glace, leurs mouvements sont plus amples, et leur technique toujours aussi précise. Ils ont beaucoup travaillé leur connexion entre eux et leur interprétation, et ça se voit. Après, leur choix musical ne m’emporte pas vraiment, cela reste une chorégraphie sur les musiques de Piaf, sans transposition du personnage de Piaf sur la glace, mais cela reste personnel. Programme à revoir pour ma part, peut-être avec la vision des juges, l’angle pouvant changer pas mal de choses.

Loïcia Demougeot et Théo Lemercier prennent une solide deuxième avec 112.33 points sur le libre et 186.77 points au total (+16 points par rapport à 2021). Ils frappent fort d’entrée : les meilleurs twizzles de la compétition (niveau 4, et notes d’exécution à +4 dans l’ensemble), et enchaînements de deux portés, également maximisés au niveau des points, c’est déjà près de 25 points d’engrangés. Assez estomaqué par la partie intermédiaire du programme : Loïcia et Théo patinent sur une ‘Gnossienne’ d’Erik Satie, complètement inédite en danse sur glace selon ma mémoire, j’aime beaucoup ce choix. Ils enchaînent ensuite sur un tango (‘La di a la caza Alcance’ d’Estrella Morente) qui me laisse un peu sur ma faim : comme l’année dernière il me semble, Loïcia et Théo ont une gestuelle rapide mais ne font que traverser la petite largeur de la patinoire, j’attendais plus de vitesse dans leur déplacement dans les dernières secondes de programme. Une belle réussite toutefois, à revoir également du côté juge. Loïcia et Théo ont belle allure sur la glace, Loïcia est tout simplement sculpturale, les rangs juniors semblent loin.

Natacha Lagouge et Arnault Caffa repartent en bronze, avec un libre sur ‘What about us’ de Pink qui leur rapporte 103.20 points et 175.22 points au total. Ils prennent le temps d’installer leur chorégraphique avec gestuelle moderne, mais ils peinent un peu à emporter le public, le changement de rythme vers un tempo plus rapide arrive un peu tard dans le programme. Belle exécution et de gros progrès avec environ 10 points de plus que l’année dernière.

Comparé à 2021, Marie Dupayage et Thomas Nabais perdent une place au classement, ils sont 4èmes avec 170.29 points (contre 171.79 points l’année dernière), dont 104.35 points dans le libre sur les notes ‘Innocent’ de Fläskkvartetten. Ils sont pourtant 3èmes du libre, mais l’écart creusé sur la RD ne leur permettre pas de retrouver le bronze d’Epinal. De très jolis costumes quadrillés, avec un bel effet visuel de continuum entre leurs deux tuniques, notamment dans la pirouette de couple. Gestuelle contemporaine à la Villard, programme maîtrisé, ils prennent le temps de poser leur chorégraphie.

Lou Terreaux et Noé Perron ont eux choisi la musique plus rock de ‘I’m a man’ par Black Strobe, avec un découpage assez classique de leur programme en rapide/lent/rapide. Danse bien exécutée, mais il manque un peu de vitesse, la musique semble parfois un peu trop puissante pour eux. Ils sont 5èmes avec 99.10 points dans le libre, et 162.11 points au total (+8 points en un an).

Dans un registre complètement différent, Elise Montaner et Linus Jepsen patinent sur ‘In the palace/lamentoso’ de Yoshihisa Hirano. Classique, lyrique, ‘doux et délicat’, c’est superbe. Ce type de programme peut être un peu ennuyeux quand la classe n’y est pas, mais patiné de cette façon par Elise et Linus, j’en redemande. Ils empochent 90.78 points sur le libre, 147.38 au total et la 6ème place.

Mariia Alieva et Mathieu Couyras ont malheureusement déclaré forfaits (mais il me semble bien les avoir vu à l’entraînement du matin).