Derniers tours de piste pour Vanessa James et Eric Radford

Après une seule année ensemble et beaucoup d’incertitude jusqu’à la fin de la saison, Vanessa James et Eric Radford ont annoncé au début de l’été leur décision de prendre leur retraite. Retraite définitive cette fois, car ils avaient plus ou moins officiellement déjà raccroché les patins, après la fin de la collaboration de leurs précédents partenariats. Revenons un peu en arrière sur ce partenariat inédit.

Vanessa James est avec son ancien partenaire Morgan Ciprès multiple championne de France, championne d’Europe en 2019, médaille d’or à la Finale du Grand Prix en 2018 et médaillée mondiale en bronze la même année. Eric Radford, de son côté, est double champion du monde avec Meagan Duhamel, médaillé olympique et champion olympique par équipe. Bref, à respectivement 34 et 36 ans, ces deux-là n’avaient plus rien à prouver.

Et pourtant…

Et pourtant, difficile de quitter la compétition quand on a été athlète de haut niveau, surtout comme pour Vanessa quand sa carrière s’arrête plus tôt que prévu, et que la pandémie vient rajouter une couche.

Retournée au Canada, dont elle a la nationalité, Vanessa a participé au show télévisé ‘Battle of the blades’. Très populaire (logique vu l’engouement pour les sports de glace au Canada), le show consiste à associer deux patineurs, venant l’un du hockey, l’autre de l’artistique ou de la danse, et de les faire concourir en montant des programmes façon ‘danse avec les stars’. Vanessa et Eric ont participé aux deux dernières éditions en s’affrontant avec des partenaires différents.

Puis ils ont commencé à patiner ensemble, pour voir, avec d’éventuels gala en vue, Meagan Duhamel ayant quitté la glace pour la plus belle des raisons (elle est maman d’une petite Zoé). Vanessa James et Eric Radford ont finalement décidé de d’associer, pour rêver une nouvelle fois des Jeux Olympiques sous la bannière canadienne. Objectif atteint avec une belle 12ème place, suivie du bronze mondial à Montpellier. Restait à éclaircir la suite, car tout le long de la saison, jusqu’aux mondiaux, on les a sentis tiraillés entre les contraintes et le degré d’engagement physiques qu’imposent ce sport, la discipline du couple en particulier, et la volonté d’arrêter sans regret d’avoir pu montrer tout ce dont ils sont capables, d’avoir été au bout de leur aventure.

Nous les retrouvons au cours de la saison dernière, au moment où leur décision d’arrêter après l’année olympique était loin d’être arrêtée…

Comment s’est noué votre partenariat ?
Eric : « On a vraiment commencé à patiner ensemble en mars 2021. Durant les deux premiers mois, ma tête disait ‘allez, on y va’, mais mon corps disait ‘stop’ ! On ne savait pas si physiquement on allait tenir la route, on n’est plus tout jeunes… Mais on est vraiment très reconnaissants de cette possibilité de tenter de vivre une nouvelle fois l’expérience olympique.»
Vanessa : « C’est vraiment très dur de revenir au plus haut niveau, sans avoir patiné pendant quasiment 2 ans. En comparaison, Alexa Knierim et Brandon Frazier sont aussi un nouveau couple, mais ils n’ont pas arrêté de patiner. » Eric : « Les éléments déclencheurs, où on s’est dit qu’il y avait peut-être quelque chose à tenter, ça a été par exemple des éléments tout simple comme les croisés : ça a été instantané, tout était en place, on n’a pas eu à ajuster nos poussées. Surtout, le Twist est venu très vite : quand deux patineurs commencent ensemble en couple, c’est l’élément le plus dur à caler, généralement ça prend des mois, nous ça s’est compté en jours. »
Vanessa : « C’est vrai que sur les croisés, c’était génial, c’est venu tout de suite. Pour les autres éléments techniques, ça dépend. Ce n’est pas moi qui doit apprendre la technique d’Eric ou Eric qui doit se rapprocher de la mienne, c’est plus subtile. Pour les sauts, c’est plutôt Eric qui changé ses courbes. Pour le Twist par contre, c’est un mélange des deux. Ce n’est pas un Twist à la Duhamel/Radford ou à la James/Ciprès, c’est autre chose ! Et ça passe bien. »
Eric : « Sur les portés, il a fallu ajuster, Vanessa est plus grande que Meagan, la répartition du poids du corps n’est pas la même au bout des bras, mais ce n’a pas été un problème. Ce qui a été compliqué, c’est que les critères pour obtenir les niveaux ont changé ! On pense cocher les bonnes cases pour avoir un niveau 4, et non, c’est finalement un niveau 2. C’est ce genre de choses qu’il faut qu’on travaille ».

Comment a été perçu votre nouveau partenariat ?
Eric : « Quand on a annoncé à la fédération canadienne qu’on voulait revenir à la compétition, ils ont été derrière nous tout de suite. Ca compte ! Notre ligne directrice, c’est de rester honnêtes avec nous-mêmes. »
Vanessa : « De mon côté la Fédération française a accepté que je ne représente plus la France mais le Canada très vite, ça a débloqué la situation. Vu que j’ai la nationalité canadienne, c’est plus simple. »
Eric : « Notre objectif bien sûr c’est de faire les Jeux Olympiques. C’est un très grand défi, car si nous avons une longue expérience nous sommes un tout jeune couple ! »
Vanessa : « Recommencer quasiment de zéro, c’est aussi motivant, tout est nouveau ».
Eric : « Ce qui joue contre nous, c’est le temps. On a tellement de chose à travailler ! A un moment on travaillait la glisse, nos ‘skating skills’, notre patinage dans l’ensemble, mais les éléments techniques s’effondraient : il faut être efficace, les éléments sont notre priorité ! Par contre on n’a pas à choisir ‘maintenant il faut qu’on travaille ceci, ou cela’, on voit assez facilement ce que doit être la prochaine étape, chaque progrès guide le suivant. »
Vanessa : « A l’entraînement tout est vraiment facile, mais en compétition c’est différent ! A chaque fois c’est une étape pour nous, on prend de l’expérience, on gagne en confiance. On est vraiment très reconnaissants d’être de retour en compétition. »

Vous avez chacun travaillé voire réussi le quadruple Salchow lancé, avez-vous pensé à le travailler ?
Vanessa : « On n’y pense pas vraiment, ce serait plus risqué qu’autre chose. »

Vous avez les Jeux en vue, comptez-vous arrêter à la fin de la saison ?
Eric : « Notre idée est de refaire les Jeux. Après, on verra. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne repart pas sur un cycle olympique complet !  On verra comment on se sentira après les mondiaux de Montpellier, si par exemple on sent qu’on a accompli tout ce qu’on voulait, qu’on se sent complets. »
Vanessa : « On doit aller tellement vite en ce moment pour progresser sur tous nos éléments, peut-être que ça vaudra le coup de continuer une année de plus, en prenant le temps de progresser plus posément et d’approfondir notre patinage dans l’ensemble. On verra ! »

C’est sûr, on aurait aimé les voir encore et encore sur la glace, cela aurait été un grand plaisir de les voir évoluer sur la glace une année encore, proposer des nouveaux programmes encore plus aboutis ; mais on ne peut que respecter leur décision, ils étaient dans les vétérans du circuit, et le haut niveau n’admet pas de demie mesure, il faut s’entraîner intensément, et ce malgré les années qui s’enchaînent. Le bronze mondial vient couronner une saison très riche après une bonne compétition olympique, ils peuvent partir la tête haute. Merci les artistes !