Mondiaux 2022, jour 4 : 5ème titre de champions du monde pour Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron !

Le titre était attendu, tant Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron règnent en maître sur la danse sur glace depuis tant d’années déjà. Les seuls à les avoir battus récemment, Sinitsina/Katsalapov, n’étant pas présents, une partie de l’équation se simplifiait encore un peu plus. Restait quand même la reprise de l’entraînement après des Jeux forcément très riches en émotions, après la conquête du Graal qu’ils convoitaient depuis quatre ans. Et le fait de patiner en France, devant leur public, leurs proches… et avec leurs amis de l’Académie de Montréal, qui sera forcément différente l’année prochaine, certains ayant déjà annoncé leur retraite sportive.
Il fallait donc encore patiner ce libre, cette ‘Elégie’ de Gabriel Fauré. Pour se faire, Guillaume retrouve pour l’occasion le haut du corps doré, que je trouve plus approprié que la tenue rouge des Jeux. Prenant leur pause de départ sous des tonnerres d’applaudissement, ils s’élancent doucement… pour, encore une fois, un moment hors du temps. Ils sont tellement dans leur monde à eux ! Recherche chorégraphique, gestuelle déliée et moderne, souplesse et fluidité dans les mouvements, justesse dans l’interprétation… Les notes des juges parlent d’elles-mêmes. Hormis la 6ème juge qui appuie sur ‘+3’, toutes les notes d’exécution sont à +4 et +5, certains éléments récoltant la note parfaite chez tous les juges, les portés notamment. Les composants sont à 10 ou presque (36 fois sur 45 possibles), avec un score parfait pour la performance, la composition et l’interprétation. Un grand moment, que le public a salué comme il se doit ! Au total, 229.82 points, dont 137.09 points dans le libre, des nombres qui ne devraient pas être battus tout de suite…

Interviewée juste après l’annonce des résultats, Guillaume confie : ‘c’est pour ces émotions là qu’on patine, on avait la chair de poule.’

Gabriella explique plus tard en conférence de presse :
‘C’est très difficile de trouver des mots pour décrire ce qu’on ressent. On savait qu’on allait patiner à la maison, devant le public français et nos proches, mais c’est encore mieux que tout ce qu’on pouvait imaginer. Patiner à domicile avec une médaille en vue, ça n’arrive qu’une fois dans sa carrière. La dernière fois qu’il y a eu les mondiaux en France (à Nice en 2012), on ne patinait pas. On se sent vraiment, vraiment chanceux d’avoir eu cette opportunité. Il a quand même fallu retenir ses larmes avant la performance, c’était vraiment émouvant’.

Guillaume :
Pour les scores, on n’est pas les bonnes personnes pour en discuter ! On n’y fait pas attention, on ne sait pas trop ce qu’ils veulent dire, dans le Kiss and Cry généralement on demande à nos entraîneurs : ‘ce score, c’est bien ?’

En réponse à la question de Jackie Wong, qui a noté que leur portrait, affiche officielle de la compétition, était décliné sur tout un tas d’article, et quel était leur préféré, Guillaume a retrouvé son autodérision habituelle :
‘Je pense que les organisateurs sont peut-être allés un peu loin… on se retrouve sur des poubelles, des portes de toilettes, des gels hydroalcooliques, des trams même, et toutes les bouteilles d’eau ! Je pense qu’on peut dire qu’on a réussi sa vie quand on est sur des bouteilles d’eau (rires).’

A la question que tout le monde se pose, à savoir si Gabriella et Guillaume vont continuer à patiner, les intéressés n’ont aucune idée pour le moment. ‘On n’en a pas parlé… on va voir, les prochaines semaines on enchaîne sur la Tournée de l’Equipe de France, et après, on verra… Peut-être qu’on arrêtera, peut-être qu’on continuera, ce sera peut-être un break avant de revenir… aucune idée pour l’instant !

Revenons à la compétition, avec la très belle performance de Madison Hubbell et Zachary Donohue, en forme d’au revoir. Le choix de ‘Drowning’ de Sila est juste génial. Ce sont des patineurs puissants, je trouve parfois qu’ils le sont trop ; évoluant aujourd’hui dans la douceur et la retenue, ils font preuve d’une maîtrise et d’une justesse incroyable, que d’émotion ! Un programme qui pourrait se revoir encore et encore. A 31 ans tous les deux ils terminent leur carrière avec un troisième titre de vice-champions du monde (132.67 points dans le libre, 222.39 points au total).

Comment se préparer et se remotiver pour des championnats du monde, alors que c’est la dernière compétition de sa vie et que les émotions doivent souvent refaire surface ? Madison m’a répondu :
‘Ceux qui étaient présents aux entraînements ce matin ont bien dû voir que je ne gérais pas la situation super bien, je pleurais tout ce que je pouvais. Et puis, je me suis reconcentrée. J’ai repensé à tout le chemin parcouru, tout l’expérience que j’avais accumulée sur ces 22 ans de carrière, qui j’étais devenue et la force que je peux avoir. Comme à mon habitude, j’allais attaquer ce programme libre, pour n’avoir aucun regret.

Le bronze revient à Madison Chock et Evan Bates, avec 129.32 points sur le libre et 216.83 points au final. Ils retrouvent le podium mondial après 6 ans ! Sur la musique de Daft Punk, Madison interprète une alien découverte par l’astronaute Evan. Après s’être mutuellement apprivoisés, ils vont pouvoir s’apprécier. Peut-être est-ce dû au fait de les voir depuis le petit côté de la patinoire, qui fait forcément rater des éléments, comme la suite de pas en ligne droite commencée à la barrière du fond et terminée devant les juges, mais je les ai trouvés un peu moins rapides que leurs compatriotes. Leurs qualités de glisse et d’interprétation restent tout de même très fortes, ils récoltent par exemple quatre fois la note maximale de ‘10’ sur les composantes. Ils ont eux décidé de continuer, on les reverra donc avec plaisir l’année prochaine, avec encore de nouveaux paris musicaux.

C’est une telle émotion de retrouver le podium mondial, on a fait tellement d’effort pour ça ! Il y a six ans on en avait fait deux de suite, si on avait su on aurait encore plus apprécié le moment. Mais bon, il devait être écrit qu’on aurait tout ce chemin à parcourir, qu’on se remettrait en question, qu’on rencontrerait de nouvelles personnes, qu’on grandirait en tant que patineurs et en tant qu’êtres humains… ça nous a forcé à nous réinventer’.

Charlène Guignard et Marco Fabbri conservent également leur position après la rhythm dance, ils sont 4èmes du libre avec 125.70 points et au final avec 209.92 points. A l’inverse de leur premier programme, très rythmé sur les musiques de Mickaël Jackson, ils ont choisi le thème très doux de ‘Atonement’ de Dario Marianelli et ‘Little sparrow’ d’Abel Korzeniowski. Un thème lyrique sur lesquels ils excellent également. Très réguliers, sûrs dans leurs carres, ils ne côtoient pas encore la note maximale sur les composantes, la 6ème juge, décidément partie avec un référentiel plus bas que ses confrères, leur donne mêmes des notes inférieures à 9. Avec le départ de Hubbell/Donohue, ils joueront le podium l’année prochaine, surtout si les patineurs russes sont toujours absents des compétitions, Charlène et Marco étant à la bagarre depuis plusieurs années avec Stepanova/Bukin notamment.

La route est en effet ‘longue et sinueuse’ pour Piper Gilles et Paul Poirier, pour reprendre le titre de leur musique. Malgré un programme pourtant assez réussi, avec de belles lignes et un ensemble homogène, puisqu’ils gardent la musique de Paul McCartney tout du long, ils ne peuvent défendre le bronze mondial qu’ils avaient gagné l’année dernière. Ils sont 5èmes du libre avec 121.91 points et 5èmes au final 202.70 points, soit à plus de 14 points du podium.

Lilah Fear et Lewis Gibson grimpent d’une place pour terminer 6èmes du libre (119.28 points) et au final (198.17 points), ils talonnent même Piper et Paul sur la note technique. Après leur libre sur ‘Vogue’ l’année dernière, ils patinent cette saison sur ‘le roi lion’, thème rythmé et vif qui convient bien à leur enthousiasme. Le programme passe très vite, c’est généralement bon signe ! Un couple à suivre pour le prochain cycle olympique, ils ne cessent de progresser ces dernières années.

Olivia Smart et Adrian Diaz ont terminé devant Lilah et Lewis aux championnats d’Europe et aux Jeux Olympiques, mais sur ces championnats la fatigue de cette longue saison se fait sentir : ils ne terminent que 7èmes du libre (115.23 points) et également au combiné des épreuves (194.63 points). Au moment où je me disais qu’ils patinaient sur la retenue, Olivia part la faute. La construction chorégraphique me semble un peu aléatoire par moment, par exemple sur le porté qui intervient juste avant un gros accent musical. La musique en comporte beaucoup, ce qui n’est pas forcément un avantage car il faut tous les marquer, et de manière différente. Adrian aussi a failli chuter à la toute fin du programme. Bref, ce n’était pas leur jour. Ils récupèrent néanmoins deux quotas pour la saison prochaine, ce qui devrait détendre leur relation avec Hurtado/Khaliavin, le deuxième couple de danseurs espagnol, avec qui ils étaient à la bagarre toute cette saison pour la qualification aux Jeux et sur ces mondiaux.

Kaitlin Hawayek et Jean-Luc Baker ne sont pourtant pas forcément mes patineurs préférés, mais les voir en live change la donne complètement. Bon, j’ai aussi un faible pour Chopin… Ce soir, ils m’ont emporté loin, loin… un petit bijou de chorégraphie et d’exécution. Leur toucher de glace est d’une douceur extrême, à l’image des notes du Prélude puis du Nocturne en mi mineur. Surtout, les silences entrent les notes laissent entendre leur glisse… où justement on n’entend que les lames qui semblent caresser la glace, rien n’accroche, c’est d’une beauté ! Avec une amplitude et une délicatesse dans les mouvements, ils m’ont fait une très grosse impression. Je les aurai même bien vu un peu plus haut au classement, ils sont 8èmes du libre (115.05 points) et 8èmes au final en battant leur record personnel (191.61 points).