Internationaux de France 2021, jour 2 : le titre sans contestation pour Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, belle 4ème place pour Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud

‘Elégie’ de Gabriel Fauré, encore une petite œuvre d’art estampillée Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron... On ne se lasse pas de les voir évoluer, tant ils semblent survoler la glace, dans leur propre sphère. Tout est souple, brusque parfois, moderne, en musique… A part, il est vrai, un léger accroc de Guillaume sur les twizzles aujourd’hui, logiquement sanctionné par les juges. C’est d’ailleurs sur la partie patinée par Guillaume qu’ils peuvent améliorer encore un peu leur note technique : la séquence de pas est noté 3 pour lui, alors que Gabriella est au niveau maximum. De quoi tendre encore un peu plus à la perfection. J’ai trouvé les costumes plus en accord avec le thème, j’étais moins convaincu par le haut du corps rouge vif arboré par Guillaume la semaine dernière en Italie, la couleur bronze sied mieux. Après tout, les compétitions de début de saison sont là pour faire plusieurs essais. J’avoue avoir un peu décroché de leur prestation en fin de programme, mais j’attends de les revoir aux Championnats de France dans un mois. Les protocoles sont dithyrambiques, avec les meilleures notes techniques et de composantes, les notes d’exécution leur octroient un bonus de plus de presque 28 points. A noter que les juges français, allemand et turc ont donné les mêmes notes sur les 5 sous éléments des composantes ; il est vrai qu’ils n’ont eu qu’à choisir entre la note maximale de 10 et 9.75. Ce libre rapport à Gabriella et Guillaume 132.17 points, et 221.25 points au final.

Piper Gilles et Paul Poirier confortent leur deuxième place d’hier en terminant 2ème du libre avec 121.81 points, et donc 2ème au final avec 203.12 points. Très jolis costumes bleu nuit, qui colle à leur thème ‘Long and winding road’ (la route longue et sinueuse), retraçant leur parcours ensemble. Rien n’a été forcément simple (rappelons que Paul vient de l’artistique), mais depuis l’année dernière et leur médaille mondiale, ils semblent avoir acquis un nouveau statut. Ils devront batailler, avec les couples américains, notamment pour aller chercher la médaille olympique. Ce programme m’a laissé une impression très agréable d’homogénéité, de fluidité, il aurait pu durer deux fois plus longtemps, cela ne m’aurait pas dérangé.

Je n’ai pas forcément vu dans le ‘Roméo et Juliette’ d’Alexandra Stepanova et Ivan Bukin une histoire d’amour contrariée, mais plutôt un programme romantique, bien exécuté. Comparé aux Canadiens il m’a semblé que leur libre était moins uni, comme si par moment on voyait encore un peu trop deux patineurs côte à côte et non un couple ; j’ai noté quelques (rares) moments où Ivan attend qu’Alexandra termine son mouvement. Ca reste du très haut niveau néanmoins. Ils remportent 120.40 points sur le libre et 200.29 points au final. La différence sur le libre se joue surtout sur la note technique, où ils ont un peu plus d’un point de retard sur les Canadiens, alors qu’ils font jeu quasi égal avec eux sur les composantes.

Justement, puisque Piper et Paul et Alexandra et Ivan sont si proches, détaillons un peu les protocoles. Pour pouvoir comparer ce qui est comparable, ne pas oublier que deux portés sont parfois comptabilisés en un seul.

Ce qui ressort nettement, c’est que l’ISU n’a pas forcément besoin de révéler la nationalité des juges pour savoir quel juge est canadien et lequel est russe ! En effet le 6ème juge, le juge russe, donne aux Canadiens les plus mauvaises notes d’exécution, avec un total de 25 points sur les 10 éléments techniques, quand tous les autres juges sont entre 30 et 36 points. Même choses pour les composantes : il n’est pas forcément le seul à donner la note la plus basse, mais ses notes sont systématiquement les moins fortes, sauf pour l’interprétation où le juge turc est le plus sévère. A l’inverse, ses notes sont toujours les plus hautes pour les Russes : cela est particulièrement visible sur la note de performance où sa note est un demi-point plus élevée que toutes les autres.

Le juge canadien est un peu plus mesuré : il se détache en donnant les meilleures notes de composantes à Piper et Paul, mais n’est pas le moins généreux pour Alexandra et Ivan.

A noter que les juges (canadien, turc, lituanien) qui ont les Canadiens derrière les Russes sur les notes d’exécution, les ont également mis derrière eux sur les composantes. Le juge français dans tout ça ? A total de notes égal sur les notes d’exécution, il place les Russes tout juste devant, de la plus petite différence possible, sur les composantes.

Cette analyse rapide ne prend pas en compte le poids de chaque note d’exécution, puisque celles-ci sont attribuées aux différents éléments techniques qui ont tous une valeur de base différente. Mais bon, on peut quand même s’apercevoir que les biais nationaux sont loin d’être derrière nous, et que les juges savent très bien affiner le jeu des notes.

Derrière les médaillés, ce sont Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud qui font la bonne opération du jour : ils terminent 4eme du libre avec 106.71 points et 4eme au final avec 175.94 points, de justesse devant les Américains. Leur libre entamé sur l’Adagio d’Ablinoni m’a fait une forte impression, Evgeniia et Geoffrey continuent de progresser, et ils ont encore de la marge. Je leur ai trouvé plus d’amplitude, de projection vers le public. Mention spéciale à Fabian Bourzat et Roxane Pététin, car ils ont la deuxième meilleure note technique de base derrière Gabriella et Guillaume.

Christina Carreira et Anthony Ponomarenko avait plus d’un point et demi d’avance sur les Français hier, mais terminent 5ème pour 4 dixièmes de points (175.91 points au total) : faute à leur libre qui, avec 105.17 points, ne leur donne que la 7ème meilleure note. J’avoue que tout avait bien commencé sur ‘Wicked game’, chanson torturée dont les paroles indiquent ‘non, je ne veux pas tomber amoureux de toi’. Leur interprétation est bien sentie, l’atmosphère est triste, recueillie. Ils embrayent sur la version originelle avec la voie de Chris Isaak, bonne idée. J’ai commencé à sortir du programme sur la séquence de pas, qui manquait de tonus, en me demandant comment ils allaient terminer le programme, la musique étant toute douce… La réponse fut fatale : ambiance discothèque avec le rajout de grosses basses techno, grand sourire, gestuelle rapide, bref, j’ai complètement décroché. Dommage, dommage…

Derniers Français engagés, Loïcia Demougeot et Théo Le Mercier engrangent de l’expérience pour leur première année senior. Ils ne sont que 10ème du libre avec 92.66 points, mais leur avance de la rythm dance leur permet de totaliser 156.61 points, ils terminent 9ème avec leur meilleur score de la saison. Choix musical original, le boléro de Ravel version Angélique Kidjo, avec sonorité africaine. Il m’a semblé par moment que Loïcia et Théo pouvaient donner encore plus, patiner plus vite, mais qu’ils étaient bridés par les exigences techniques, ou peut-être par leur concentration et leur volonté de bien faire aujourd’hui. A suivre !