Elites 2021 : le titre de champion de France confirmé pour Adelina et Louis, Léa, Cléo et Denys, et Kevin

‘Tron Legacy’ est un thème froid, celui d’un avenir futuriste où les machines ont un rôle prépondérant. C’est cette atmosphère qu’Evgenia Lopareva et Geoffrey Brissaud retranscrivent sur la glace. Ils ne se regardent pas vraiment, Geoffrey est plus tourné vers les juges, Evgenia semble plus distante, comme emmenée dans les mouvements chorégraphiques par son partenaire, presque comme un pantin désarticulé, déshumanisé… ce qui correspond tout à fait au thème ! Je ne sais pas si c’est dans ce but que le programme a été monté, mais c’est en tout cas ce que j’ai ressenti en bord de piste. Les juges semblent également avoir aimé le programme, leurs notes sont très bonnes, avec 114.12 points sur le libre et 189.54 points au total ils améliorent leur score du Challenge de décembre de plus de 6 points. Un juge les place même premier sur les composantes, alors que la note technique est quasiment équivalente à celle d’Adelina et Louis. Ils réduisent d’ailleurs d’un point et demi leur retard, qui n’est plus que de 4.74 points ici à Vaujany, alors qu’ils écopent d’une déduction d’un point pour porté trop long.

Adelina Galyavieva et Louis Thauron n’ont donc pas vraiment droit à l’erreur… mais erreur il n’y en a pas eu, sur la musique du ‘Parfum’, thème tiré du roman éponyme de Süskind. Peut-être les twizzles de Louis, un peu raccourcis pendant l’échauffement, et qui récoltent un niveau 3, contre un niveau 4 pour Adelina. Ou la suite de pas circulaire, que le dernier juge n’estime qu’à un modeste ‘+1’, leur plus basse note d’exécution… c’est dire la qualité de leur patinage ! Fluides, expressifs, ils se projettent vraiment dans leur thème. Avec 116.38 points sur le libre et 194.28 points, ils progressent de 5 points par rapport à leur score précédent, et repartent avec le titre de champions de France !

Chez les dames, après les programmes quelque peu décevant de Sophie Sprung et Eve Dubecq, avec malgré tout un triple boucle solide de Sophie et une combinaison intéressante Axel-euler-triple Salchow d’Eve, Lola Ghozali a frappé fort avec son libre sur la musique du Cirque du Soleil. Elle aligne deux triple flip, deux triple Lutz, et n’est pas loin de tenter la combinaison double Axel-euler-triple Salchow réussie lors de l’échauffement, le Salchow n’étant tourné qu’en double. Grosse prise de risque et beaucoup de réussite, même si certains sauts sont retournés. Jolie technique, belle détente, manque peut-être encore un peu de vitesse, mais c’est très prometteur pour la suite. Son libre lui rapport 102.03 points, pour 156.42 points au final, c’est suffisant pour le bronze !

En effet, Lorine Schild qui passe juste derrière elle, n’a pas démérité, mais était trop juste. Il lui a manqué aujourd’hui un peu plus de réussite sur le triple Lutz : le premier est jugé avec une carre incertaine, et le second, fortement incomplet, l’empêche d’aligner la combinaison. Son choix musical s’est porté sur ‘le Jazz hot’ de Julie Andrews, qu’elle patine avec une bonne vitesse, elle a de meilleures composantes que Lola dans l’ensemble, mais avec un peu trop d’erreurs techniques, son programme ne lui rapporte que 93.82 points, pour un total de 150.93 points, Lorine termine au pied du podium.

Le premier duel étant placé, reste celui qui va déterminer de la couronne nationale. Maïa Mazzara passe la première, et comme à son habitude échauffe encore une fois ses grosses difficultés en attendant que son nom soit annoncé : elle réalise avec facilité triple Lutz et double Axel-triple boucle piqué avant de prendre sa pause de départ. Musique originale, que je qualifierai de baroque moderne, mais un début de programme difficile : Maïa est quasiment à la chute sur double Axel-triple boucle piqué, pourtant réalisé quelques secondes auparavant. Le triple Lutz qui suit est comptabilisé avec une carre intérieure, ce qui ne permet pas aux juges de sortir des notes d’exécution positives. Quand les sauts passent, ils sont vraiment très beaux, comme le triple boucle ou le triple Salchow. Encore un manque de réussite en fin de programme : chute sur triple flip, combinaison triple boucle piqué-double boucle piqué avec réception hésitante, et la dernière difficulté, double Axel-euler-triple Salchow, incomplet et terminé les deux patins et les deux mains sur la glace, et donc comptabilisé comme une nouvelle chute. Dommage, Maïa a une jolie capacité d’interprétation, une belle vitesse et une détermination qui fait plaisir à voir. 102.81 points sur le libre, c’est tout juste devant Lola, et 163.77 points au total, elle est donc dans les deux premières… mais à quelle place ?

Léa Serna a donc une bonne carte à jouer pour le titre, en plus de son avance du court. On la sent fébrile en début de programme avec un triple boucle non déclenché sur les premières notes de ‘Young et Beautiful’ de Lana del Rey. Le double Axel est le saut qui lui pose le plus de problème… qu’à cela ne tienne, son entraîneur Brian Joubert a la bonne idée de le placer après son meilleur saut, le triple Lutz. Comme ça, ça passe ! Le deuxième double Axel tout de suite derrière est retourné, mais pas chuté, c’est une bonne chose pour Léa. Surtout, elle ne se désunit pas, même si on ne la sent pas sereine, certains mouvements chorégraphiques ayant des positions de bras approximatives. Néanmoins, Léa tente deux triple flip (un en combinaison, un autre incomplet) et retente le Lutz, qu’elle chute assez bizarrement. Pourtant dans l’ensemble la technique est de son côté, alors qu’elle est, à un centième près, à égalité sur les composantes avec Maïa. Elle sort de glace essoufflée, en ayant tout donné. Elle semble dubitative et déçue dans le Kiss and Cry, jusqu’au verdict libératoire : 106.52 points sur le libre, 170.06 points au total, elle est donc la nouvelle championne de France, devant Maïa en argent. Elle peut enfin sourire !

Classement inchangé en couple : Cléo Hamon et Denys Strekalin deviennent comme l’année dernière champions de France, devant Coline Keriven et Noel-Antoine Pierre.
Très bon programme pour Cléo et Denys, sur le thème du ‘5eme élément’ : Cléo porte le costume de Leelou, et Denys a troqué son haut blanc des Masters contre un gilet noir laissant apercevoir le t-shirt orange de Korben Dallas. Cléo et Denys sont dans le rythme, avec une bonne réussite technique : triple Twist, combinaison triple boucle piqué-double boucle piqué, double Axel. Les sauts lancés sont également de la partie, le triple Salchow et ample, ainsi que le triple boucle lancé, mais celui-ci voit Cléo toucher la glace de sa jambe libre, ce qui attire une note d’exécution de ‘-1’ du troisième juge, la seule note négative de leur programme. On oublie le porté avorté en fin de programme, qui est sans impact sur le résultat, l’ensemble constitue une bonne base de référence pour la suite :  112.20 sur le libre, 172.55 au total, soit plus de 14 points de plus qu’aux Masters.

Également un porté non effectué pour Coline et Noel-Antoine, un peu à la peine en début de programme avec le triple Twist de niveau 1, pas encore assez ample, le triple boucle piqué incomplet de la part de Coline et le triple boucle lancé chahuté. La fin de leur programme sur ‘Lily’ de Aaron est plus aboutie, avec notamment un très bon triple Salchow lancé, leur point fort. Encore beaucoup de travail devant eux, comme sur la spirale de la mort de niveau 1, ils s’affirment cependant au fil des saisons comme un couple que lequel il faut compter. Ils totalisent aujourd’hui 149.72 points, dont 93.81 points sur le libre.

Le classement reste identique également chez les messieurs : Kevin Aymoz devient champion de France pour la 4eme fois. Et avec la manière ! La musique subtile et légère de ‘Lightouse’ de Patrick Watson le porte tout le long du programme, il semble flotter sur la glace : ce qui est impressionnant, c’est que contrairement aux autres patineurs, on n’entend quasiment pas le bruit de ses lames ! Pourtant, les difficultés s’enchaînent : quadruple boucle piqué, deux combinaisons triple-triple avec le Lutz (boucle piqué puis Salchow), deux triple Axel, avec toujours des prises d’élan difficiles, la confiance est là. Il n’y a que le boucle, sur lequel il manque un tour (pour lequel un juge lui donne sa seule note d’exécution négative), et une carre incertaine sur le dernier saut, le triple flip. Kevin brandit des poings de victoire, avant d’entamer ses dernières pirouettes, toutes de niveau 4. Un très bon programme de Kevin donc, qui s’envole littéralement au niveau des notes : 188.49 sur le libre, 284.50 au total, c’est à quelque chose près 40 points de plus que ses concurrents.

Adam Siao Him Fa a fait tout son possible, mais cela ne pouvait pas suffire devant le répertoire de Kevin aujourd’hui. Après deux quadruples boucle piqués, avec à chaque fois un retournement (ce qui l’empêche d’enchaîner en combinaison, et qui réduit donc la note du deuxième quad à 70% de sa valeur), Adam sort son quadruple Salchow ! Quelle audace, sauf erreur il ne l’aura jamais tenté aux entraînements, il ne le tente que dans son libre, et le réussit ! Chapeau, d’autant que la majorité des juges le note très favorablement avec des +3. Pas d’erreur majeur par la suite, triple Axel, triple Lutz, puis combinaison de trois sauts avec triple Lutz qui aurait certes pu se terminer par un triple Salchow au lieu du double, mais Adam a montré qu’il était bien remis de sa blessure de début de saison. Surtout, il patine vite, surtout sur la suite de pas, explosive, sur la musique de ‘Leave a light on’ de Tom Walker. 165.65 points sur le libre, 244.15 points au final, ce qui lui assure sa troisième médaille d’argent consécutive.

Le podium, complété par Romain Ponsart, est d’ailleurs le même que celui de l’année dernière à Dunkerque. Sur un medley d’Elvis Presley entamé par ‘Fever’, le badboy Romain, tout de cuir vêtu, attaque fort avec le quadruple boucle piqué, jugé incomplet par les juges. Le deuxième quadruple n’est tourné qu’en triple et le triple Axel qui suit est également incomplet. Le reste du programme est solide, même si le contenu technique pourrait être plus fort : une seule combinaison au final sur les trois possibles et deux triples Salchow, Romain patine propre. Il reçoit 132.16 points sur le libre pour terminer avec 209.07 points au combiné des deux épreuves.

Dans la suite du classement, on retrouve Davide Lewton-Brain, 4eme avec 177.64 points sur ‘Amor Dulce Muerte’, et François Pitot, 5eme avec 142.29 points, qui a dû vivre un calvaire dans son libre avec quatre chutes, entraînant six points de déductions ; il ne sait néanmoins pas découragé et a continue à tenter les triples.

Ainsi se termine donc cette version quelque peu écourtée des championnats de France, mais qui ont eu le don d’avoir lieu ! C’était un privilège que d’avoir pu y assister depuis la patinoire. Je retiendrais notamment le fait d’avoir assister à la danse court depuis le bord de piste : si vous avez la chance de voir des danseurs virevolter d’aussi près, n’hésitez pas, j’en suis ressorti ébloui par la profondeur des carres. Un dedans avant du pied droit doit vous emmener vers la gauche, certes, mais avec l’inclinaison prises par les lames, les bottines ne sont pas loin de la glace, il faut des chevilles sacrément puissantes et une tenue générale du corps très solide pour maîtriser le tout, ce dont on ne se rend pas forcément compte assis dans les tribunes. Un très bon moment !