Mondiaux 2018 J4, Libre Messieurs : Chen seul au rendez-vous et de spectaculaires défaillances

Nathan Chen, en position favorable après le court, est le seul patineur du dernier groupe à avoir tenu son rang et obtient son premier titre mondial avec une marge de près de cinquante points sur Shoma Uno et Mikhail Kolyada. La compétition, particulièrement contrastée, a été marquée par les chutes au classement de Vincent Zhou et Boyang Jin, pourtant prétendants au podium. Romain Ponsart, pour ses premiers Mondiaux, prend une seizième place satisfaisante.

 

 

Nathan Chen n’avait pas montré son meilleur visage la saison passée à Helsinki, se contentant de la sixième place. Il a su cette fois-ci assumer ses ambitions alors que ses concurrents lui avaient laissé une porte grande ouverte. Fébrile sur le court des Jeux Olympiques à la fois par équipes et en individuel, il avait pu rebondir grâce un libre exceptionnel au niveau des sauts, et il a réalisé à Milan un programme à peu près comparable : six quadruples dont deux en combinaison (et un seul retournement), un triple Axel, une combinaison triple-triple…le pari restait audacieux surtout dans le contexte d’une fin de saison, et il a maintenu jusqu’au bout une intensité et une concentration dans sa performance….et contrairement à Pyeongchang, il est parvenu à enchaîner deux programmes au plus haut niveau et le titre mondial est un aboutissement logique. Si l’on peut ici regretter que la répétition des quadruples fragilise la chorégraphie d’un programme qui manque de nuances, de cohérence, la prestation est tout de même exceptionnelle et il faut souhaiter que Chen puisse continuer à progresser tout en trouvant un meilleur équilibre entre une dimension athlétique et une proposition artistique.

 

 

Si Nathan Chen a été en réussite sur les quadruples, la majorité des autres patineurs ont été en constante difficulté et une fatigue, une lassitude ont été largement ressenties. Pour Shoma Uno, il y avait également l’incertitude liée à une blessure à la cheville et le court n’avait pas vraiment rassuré…le début du programme est raté et il chute sur une tentative de quadruple boucle, de quadruple flip, puis trébuche à nouveau sur le quadruple boucle piquée . Il a su cependant se ressaisir au moment opportun pour enchaîner des difficultés en fin de programme avec trois combinaisons : quadruple boucle piquée-double boucle piquée, triple Axel-triple flip et triple Salchow-triple boucle piquée. Cette réaction est finalement suffisante pour s’emparer de la médaille d’argent, comme aux Mondiaux d’Helsinki et aux Jeux Olympiques. La combativité d’Uno est ainsi exceptionnelle mais il va devoir désormais préserver davantage sa condition physique, et construire une stratégie en compétition plus stable, plus équilibrée sur le long terme afin de patiner dans des conditions sereines.

 

 

Mikhail Kolyada parvient enfin à trouver sa place sur le podium mondial, après deux troisièmes places aux Euros. Il a montré davantage de fébrilité que sur le court avec deux chutes sur une tentative de quadruple Lutz puis de quadruple boucle piquée, mais a assuré l’essentiel par ailleurs : deux triples Axel, une combinaison triple Lutz-triple Salchow. Même un boucle transformé en double n’aura pas de conséquence fâcheuse, et cette médaille de bronze est un remarquable accomplissement malgré une prestation en demie-teinte. Encore irrégulier, il peut encore nettement progresser et enrichir davantage son registre expressif.

 

 

Septième du court puis du libre, Alexei Bychenko prend la quatrième place finale en profitant des contre-performances de ses concurrents. S’il débute avec deux remarquables quadruples sauts (dont une combinaison quad-triple), la deuxième partie du programme est moins solide et le triple Axel est retourné à deux reprises. Après des Jeux Olympiques très satisfaisants achevés à la onzième place, il obtient de loin son meilleur résultat aux Mondiaux et devance Kazuki Tomono, cinquième. Le jeune patineur japonais, pour ses débuts aux Mondiaux, a surpris en prenant la troisième place du libre : il réalise un quasi sans-faute avec deux quadruples Salchow et sept triples, permettant au Japon de conserver trois quotas et s’affirmant comme un patineur d’avenir à suivre.

 

 

Deniss Vasiljevs, sixième, incarne aussi la promesse d’un futur radieux. Après sa quatrième place européenne, il montre qu’il figure déjà parmi les meilleurs patineurs mondiaux malgré l’absence de quadruple saut. Sa sensibilité et sa fougue rappellent forcément la personnalité de son entraîneur Stéphane Lambiel, et le patineur letton a toutes les qualités pour briller durablement au plus haut niveau.

 

 

Dmitri Aliev avait perdu sur le court toutes ses chances de figurer sur le podium, et il pourra avoir des regrets tant son libre fut un moment marquant de la compétition. Avec trois quadruples (dont le Lutz) et une superbe qualité de glisse, il prouve encore une fois qu’il est un patineur complet, talentueux et ses progrès depuis la saison passée sont impressionnants. Des difficultés sur l’Axel en seconde partie de programme l’empêchent d’espérer davantage, mais il a aussi tous les arguments pour être un des protagonistes majeurs du prochain cycle olympique.

 

 

Keegan Messing, excellent sur le court, ne prend que la huitième place en raison d’un programme trop décousu avec de nombreuses erreurs : le Lutz et le boucle piquée ne passent qu’en triple, une tentative de quadruple est chutée et il ne réalise qu’un double boucle. Messing aura cependant réalisé la saison la plus aboutie de sa carrière et peut être fier de l’ensemble de ses performances.

 

 

Misha Ge, sans quadruples sauts, reste une valeur sûre avec un programme limpide et prend la neuvième place malgré quelques fautes de carre. Il devance Michal Brezina, qui réalise une de ses prestations les plus abouties au cours des dernières saisons, avec un quadruple Salchow en combinaison, six triples sauts et sa seule erreur est un Salchow passé en double.

 

 

Max Aaron remonte à la onzième place, devant Alexander Majorov et Keiji Tanaka, plutôt décevant avec plusieurs retournements de sauts et un manque de présence.

 

 

Vincent Zhou, troisième du court, ne prend que la dix-neuvième place du libre et la quatorzième place finale. Comme son compatriote Chen, le contenu était ambitieux mais il multiplié les erreurs et n’a pas su rééditer sa performance des Jeux Olympiques : pénalisé par sept (!) sous-rotations et trois chutes, il n’a pas pu faire vivre son programme et sa saison se termine sur une note amère. Patineur doué et prometteur, il a ici été confronté aux risques d’une stratégie déséquilibrée et il aura à se remettre en question pour repartir de l’avant.

 

 

Boyang Jin a connu la défaillance la plus importante au classement : quatrième du court…vingt-troisième du libre et dix-neuvième au total. Il a été comme absent sur ce programme libre tant il n’avait plus les ressources physiques et mentales nécessaires : il trébuche à plusieurs reprises au plus près des balustrades, avec au bout neuf points de déduction pour cinq chutes….

 

 

 

Pour ses débuts aux Mondiaux, Romain Ponsart prend la seizième place et a montré l’étendue de ses qualités et de son potentiel. La gestuelle et la glisse laissent une impression d’aisance et il est en réussite sur les sauts malgré quelques erreurs (un premier quadruple en sous-rotation, un second quadruple en combinaison avec un saut simple, une combinaison triple-triple retournée..). Souvent irrégulier par le passé et perturbé par des blessures, il est parvenu à trouver une stabilité, à consolider une confiance en ses capacités.

 

On peut également retenir la prestation enthousiasmante de Matteo Rizzo, qui tente et réussit un quadruple saut certes en sous-rotation, et tient jusqu’au bout son programme malgré une chute sur une combinaison. Après les Euros, les Jeux Olympiques et une médaille de bronze aux Mondiaux Junior, il avait encore l’énergie requise pour donner le meilleur de lui-même devant son public.