Euros 2023, J4 : classement inchangé en danse, Guignard/Fabbri empochent le titre

De la diversité, il y en a chez les derniers danseurs ! Entre soirée techno, concert classique, boum survitaminée, intensité dramatique, concert de métal… il y en a eu pour tous les gouts !

Côté hiérarchie, force est de constater qu’elle est toujours fortement ancrée en danse sur glace avec assez peu de changement entre les deux danses, tout juste quelques inversions. De même, en comparant avec les résultats de l’édition précédente, en laissant de côté les couples absents à Espoo, la logique est complètement respectée.

Premiers après la danse courte, Charlène Guignard et Marco Fabbri sont les derniers à s’élancer sur la glace d’Espoo, dans une patinoire (enfin) ! pleine à craquer. ‘My love will never die’, ‘Mephistos Lullaby’, ‘Eden’, ils ont choisi un thème romantique, puissant, qu’ils interprètent avec justesse et nuance. Les mouvements sont exécutés jusqu’au bout des doigts, les carres sont profondes, ils décrochent de très bonnes notes (124.91 points sur le libre, 210.44 points au total), sans toutefois battre leur meilleur score de la saison. La victoire leur tendait les bras, ils ont réussi à assumer leur rôle de favoris cette semaine et s’insèrent dans la tradition italienne de la danse sur glace, dans la lignée de Barbara Fusar-Poli, leur entraîneur, sacrée en 2001 avec Maurizio Margaglio et de Cappellini / Lanotte en 2014.
« La route a été très longue pour arriver jusqu’à ce titre, on ne pourrait pas être plus heureux. C’est difficile d’exprimer ce qu’on ressent, c’est le travail de toute une vie et un rêve qui devient réalité. Notre performance n’était pas parfaite, on était plus satisfaits hier ; avec quelques erreurs aujourd’hui on n’était pas sûrs que ça suffirait pour le titre, mais quand on a vu nos scores dans le Kiss’n Cry, on s’est sentis d’un coup beaucoup plus légers ! C’était dur de ne pas penser à la médaille d’or après la rhythm dance, mais on a en quelque sorte réussi à le faire. Pour la suite, on verra, les prochains Jeux sont en Italie, mais on n’a plus 16 ans non plus ! Pour le moment, on va fêter notre titre en restant en Finlande, direction la Laponie pour une semaine de vacances. »

Lilah Fear et Lewis Gibson donnent le ton dès les premières notes de ‘Born this way’ de Lady Gaga, avec un porté rotationnel sur un pied impressionnant, pile sur le départ de la musique. Ambiance boîte de nuit avec des basses surdimensionnées, assumées pleinement par la sono de la patinoire, juste au bon niveau sonore, c’est efficace et ça marche : le public applaudit à tout rompre ! Lilah et Lewis sont très forts dans ce style exubérant, joyeux et entraînant, la chorégraphie montée par l’équipe de l’Ice Academy de Montréal exploite à fond leurs capacités. Les éléments les plus durs sont ainsi tous en début de programme, avant de passer sur la partie plus lente et de reprendre sur ‘Bad romance’. Il reste les éléments chorégraphique (twizzles, séquence de pas, porté), sur lesquels on retrouve les gestes créés par Lady Gaga. On aperçoit toutefois ça et là quelques hésitations, comme sur la suite de pas où Lewis pose le pied un peu tôt pour retrouver son équilibre, ce que les juges ne semblent pas avoir vu. Mais Lilah et Lewis savent vendre leur programme, quelle dépense d’énergie ! Et c’est communicatif, c’est le genre de programme qui vous électrise. La technique n’est pas en reste, s’ils ont une note de base légèrement inférieure à celle des Italiens, les notes d’exécution attribuées par les juges sont un peu supérieures, avec plusieurs +5 quand Charlène et Marco n’en récolte qu’un. Egalité parfaite ! C’est peut-être là que je ne rejoins pas les juges… Tout se joue sur les composantes, avec un gros point de retard pour les Anglais. Ils empochent 123.77 points sur le libre et 207.88 points au total pour une très belle médaille d’argent. Gros progrès par rapport à l’année dernière, ils sont 10 points au-dessus de leur performance de Tallinn, quand les Italiens n’en gagnent que 3.
« Euh, wow, on ne réalise pas encore. Comment trouver les bons mots ? C’était vraiment intense, on avait une vraie carte à jouer aujourd’hui. On a travaillé très dur ces dernières semaines, on voulait vraiment sortir des performances qui reflètent tout ça, et on l’a fait. Il y a eu une petite erreur sur les pas, mais on s’en est bien sortis, on s’est reconcentrés et on s’est fait plaisir sur tout le programme. C’était dingue de patiner devant une foule comme ça. »

Style complètement différent pour les patineurs finlandais Juulia Turkkila et Matthias Versluis, classiques avant tout, sur des Impromptus de Schubert et la splendide sonate pour piano numéro 20. Ils entrent sur la glace sous les encouragements de toute la patinoire, qui est venue assister à leur sacre, à savoir la médaille de bronze, qu’ils n’ont pour l’instant que sous la forme de la ‘petite médaille ISU’ après la rhythm dance. Pas forcément évident de rester dans sa bulle, en patinant chez soi, devant ses proches, devant les anciens champions finlandais comme Kiira Korpi, Laura Lepisto, Mila Kajas, Susanna Rahkamo et Pettri Kokko. Pas d’hésitation pourtant, tout est glissé, léger, en finesse, juste… si on laisse de côté les expressions faciales de Juulia trop souvent surjouées qui viennent un peu gâcher leur côté virtuose. Avec 120.65 points ils prennent la 3ème place du libre, et repartent en bronze avec 198.21 points, sous les hourras du public ! Autant les Anglais excellent dans les danses libres façon spectacle, autant le registre de Juulia et Matthias est clairement le classique ; ils auront peut-être plus de possibilité de se renouveler en explorant les différents mouvements du répertoire, alors que leurs concurrents risquent de s’enfermer dans leur registre.
« C’est une sensation indescriptible, on en tremble encore. C’est génial, c’est tout ce qu’on peut dire. On nous avait dit de profiter, mais c’était dur tant on était nerveux, on voulait avant tout bien faire. Mais oui on en a profité, même si toute cette semaine était très dure. On a pu réaliser ce qu’on fait à l’entraînement, c’est vraiment bien car on était absents sur les trois derniers championnats. Cette médaille représente tellement pour nous, c’est vraiment un rêve d’enfant qui se réalise. Notre coach nous a dit que le plus important n’est pas le score, mais d’avoir fait ce qu’on vient de faire, d’avoir vécu cette expérience et de l’avoir partagée avec le public ».

On repart en boîte de nuit avec Allison Reed et Saulius Ambrulevicius sur le thème unique et très techno de Faithless, ‘Insomnia’. Les différentes parties sont bien utilisées : un peu comme pour Lilah et Lewis la partie pulsée donne le rythme d’entrée de programme et met le public dans leur poche. La partie intermédiaire, sans les basses, leur permet d’exécuter la médiane tout en créant une certaine tension, avant de retrouver la partie la plus connue sur le porté circulaire avec la reprise des percussions. Ils conservent leur 4ème place dans le libre (118.34 points) et au final (195,67 points), en améliorant au passage leur meilleur score et en gagnant 12 points en un an sur ces championnats.
« Patiner dans le dernier groupe, c’est une forme de reconnaissance. Ca nous booste, on garde en tête tout le chemin qui nous a mené jusque là, ça veut dire beaucoup pour nous.
Saulius : la musique, c’était mon idée, je n’aurai jamais cru qu’elle aurait été approuvée par nos entraîneurs ! Mais je me suis dit qu’on pouvait faire quelque chose dessus.
Allison : J’avais moi une idée radicalement différente, du classique ! Finalement travailler sur la musique proposée par Saulius, ça a été une très bonne expérience, en deux semaines le programme était monté avec Marie-France. »

Avec Evgeniia Lopareva et Geoffrey Brissaud, on retrouve l’émotion pure sur les chansons d’Edith Piaf ‘l’accordéoniste’, et ‘mon dieu’. Le choix est plutôt risqué, car si tout le monde ne comprend pas forcément les paroles, les musiques de Piaf sont d’une tristesse absolue, et pour marquer le public il faut pouvoir l’emporter dans l’intensité de l’interprétation. Tout le travail des derniers mois paye, le pari est gagné selon moi : à l’inverse des Anglais ou des Italiens, on n’entend pas voler une mouche dans la patinoire ! Ce n’est pas mieux ou moins bien, c’est juste différent, les danses libres sont très riches cette année ! Certains gestes sont lents, posés, il n’y a pas besoin de plus, juste la sobriété nécessaire. Evgeniia et Geoffrey remontent d’une place au classement, et terminent 5èmes avec 115.36 points dans le libre et 191.85 sur les deux épreuves. Ils améliorent eux aussi leur score de l’année dernière d’environ 12 points mais ont toujours 4 points de retard sur les Lituaniens : l’écart était l’année dernière sur la rhythm dance, il est plus visible sur le libre cette année.
« On a bien patiné aujourd’hui, mais c’était vraiment dur. Difficile de comprendre pourquoi, peut-être parce qu’on passait derniers du groupe ? Avant les Mondiaux, on fera peut-être une compétition en Hollande, à confirmer »

Les frère et sœur Natalie Taschlerova et Filip Taschler redescendent donc d’un cran, ils sont 6èmes avec 188.34 points dont 111.43 points dans le libre, sur les notes de ‘On the nature of the daylight’. Ils confirment ainsi leur statut de nouveaux venus au plus haut niveau européen (+16 points sur leur score total en un an). Rapides, puissants, ils apportent une certaine spontanéité avec leur thème sur le réchauffement climatique, et de belles idées chorégraphiques, comme les deux longs moments en courbe tenus de manière statique : très graphiques, cela permet aussi de montrer aux juges la profondeur de leurs carres.
« On s’attendait à un peu plus au niveau du score, mais on est satisfaits de ce qu’on a fait. On a peut-être perdu des points à la fin, avec quelques déséquilibres, à voir, on revisionnera. On a pris de l’expérience sur cette compétition, patiner dans le dernier groupe va nous rendre plus forts dans le futur. »

Loïcia Demougeot et Théo Lemercier peuvent être fiers de leur compétition : ils se classent 7èmes avec 179.86 points, dont 107.41 remportés dans la danse libre aujourd’hui, et une progression de +17 points en un an. Pas de record personnel battu pourtant, mais l’essentiel était de confirmer leur présence d’outsiders dans le petit monde de la danse sur glace européenne, c’est chose faite ! Comme toujours chez les élèves de Karine Arribert on retrouve beaucoup d’originalité, ne serait-ce que dans la partie musicale intermédiaire, avec une gnossienne d’Erik Satie. Loïcia et Théo ont un peu les mêmes qualités physiques que Natalie et Filip avec une grande rapidité d’exécution et une bonne couverture de glace. Ils sont aussi plus grands, ce qui peut jouer en leur faveur sur l’esthétique des portés, par exemple. En progrès, ils peuvent encore améliorer les séquences de pas en patinant plus proches, leur médiane est de niveau 2 et la séquence sur un pied également, sauf pour Loïcia qui ne décroche qu’un niveau 1.
« On est fatigués, mais contents car nos entraînements n’ont pas été toujours été bons cette semaine. Il y a quelques erreurs car avant de venir ici on a plus travaillé la rhythm dance que le libre. On s’attendait à ce que ce soit dur, mais on sait sur quoi on va travailler. »

A noter que le très bon résultat des deux couples engagés va permettre à la France d’aligner trois danseurs à Budapest la saison prochaine.

Côté originalité, un bon pour point pour les seconds patineurs lituaniens engagés sur cette compétition : Paulina Ramanauskaite et Deividas Kizala sont très loin au classement (17èmes), souvent brouillons dans leur exécution, mais quelle pêche dans leur exécution, les musiques d’AC/DC ‘Highway to hell’, ‘Thunderstruck’ sont rares dans les patinoires !