Euros 2023, jour 1 : Adam sème ses poursuivants en vue du titre, Kevin en embuscade

Même si l’ISU l’avait quelque peu oublié dans sa présentation initiale de la compétition (corrigé depuis), Adam Siao Him Fa est arrivé à Espoo avec le meilleur score de la saison, et peut donc viser la plus haute marche du podium. Restait à gérer cette toute nouvelle situation, source de beaucoup de tension.

Et il l’a fait ! Fort de toute son expérience acquise sur le début de saison (victoire à Angers, 5ème place au Japon, qui l’a laissé à la porte de la Finale), Adam a su rester concentré tout en se lâchant complètement sur la séquence de pas finale et ses dernières pirouettes, très rapides, sur les notes de ‘Rain, in your black eyes’ d’Ezio Bosso. Adam passe ses plus grosses difficultés dans la première partie (quadruple boucle piqué-triple boucle piqué, triple Axel, quadruple Salchow), sans bénéficier du bonus de 10% pour les sauts présentés plus tard. Adam confirme donc son statut de favori, il impressionne par l’évolution de son patinage ces dernières années, sur la glisse, la gestuelle, même la technique de base, tout semble aligné pour une superbe deuxième partie de saison ; il est le seul patineur à récolter des niveaux 4 sur tous ses éléments. Il totalise 96.53 points aujourd’hui, soit 8 points de plus que son record personnel, et creuse déjà un solide écart de 10 points sur ses poursuivants.
‘Je suis vraiment content de ma performance, c’est mon premier programme court propre à l’international, tout s’est passé comme prévu. Pour le programme libre, je vais faire comme dans le programme court, rester calme, et ne pas essayer d’en faire trop, juste ce que je sais faire. Aujourd’hui je suis resté concentré même après la réussite de trois éléments de sauts, surtout que j’ai eu un petit déséquilibre sur la prise d’élan du Salchow, je me suis vu parterre ! Ensuite la musique est plus rapide, et je sais qu’il y a encore la séquence de pas et les pirouettes finales, sur lesquelles je me suis donné à fond. Mais je suis resté lucide, il m’est déjà arrivé de ne pas contrôler complètement mes mouvements et d’aller à la faute. J’ai donc tout donné… dans le contrôle. Sur la fin je veux juste ressentir la musique, et exprimer ce que je ressens, je n’étais pas spécialement fatigué.
Inclure tous mes sauts dans la première partie du programme, et donc ne pas bénéficier du bonus de la deuxième partie, ça vient de la création même du programme, les sauts en premier, c’est plus confortable pour moi, avec la suite de pas à la fin. Et le planning est plutôt pas mal, on ne patine le libre qu’après-demain ; j’aime assez ce jour en plus, ça va pouvoir me permettre de tourner la page du court et de me reconcentrer sur le libre’.

Matteo Rizzo prend une belle deuxième place avec 86.46 points, il améliore lui aussi son record de la saison. ‘Le parole lontane’, ‘Zitti e buoni’ de Måneskin sont un bon choix musical, il est expressif sur les balades rock énergiques, mais peine quelque peu à entraîner tout le public. Gageons que l’accueil aurait été encore plus chaleureux dans une patinoire remplie, la vente des billets n’est pas à la hauteur des attentes finlandaises… Côté technique, quadruple boucle piqué – double boucle piqué (la combinaison était quad-triple à l’échauffement), quadruple boucle incomplet mais tenu, triple Axel, Matteo affiche une belle réussite technique et arrive à vendre son thème, notamment sur la suite de pas. Il faudra rester solide sur le libre, car plusieurs concurrents derrière lui ont également de belles cartes à jouer.
C’est un programme correct pour moi, je peux être content, car le programme court est toujours une grande étape de la compétition. Je suis en bonne position pour me battre dans le programme long, et j’espère pouvoir montrer tout ce que je fais à l’entraînement, je ferai de mon mieux.
C’est sûr, l’équipe italienne est très forte cette saison, mais je ne me compare pas aux autres Italiens, sur une compétition je me bats contre tous les autres patineurs, et contre moi-même en premier lieu.
J’ai choisi la musique de Må
neskin, car c’est le meilleur group de rock du monde, et ils sont italiens ! Je n’essaye pas spécialement d’interpréter les paroles sur la glace, je veux juste utiliser cette énergie pour entraîner tout le monde dans mon programme, mon but est que tout le monde applaudisse, après tout ce que l’on fait sur glace, c’est avant tout pour le public.

Notamment Deniss Vasiljevs, médaillé de bronze sur la dernière édition. Programme tout en touché de glace sur ‘Englishman in New York’, beaucoup de finesse, de subtilité, d’éléments chorégraphiques en musique, le voir patiner en live prend une tout autre dimension. Il remplace le quadruple Salchow annoncé d’entrée par le triple flip, assez logique car il ne maîtrise pas complètement le quadruple, le risque était trop grand. La combinaison triple Lutz-triple boucle piqué est un peu accrochée sur le Lutz, il peut la faire encore mieux. Mes voisins derrière moi parlent de Jason Brown, il y a effectivement des qualités similaires chez ces deux patineurs. Il obtient 84.81 points, soit près de deux points de plus que son record de la saison.
C’est un programme plaisant à patiner, j’ai pris du plaisir sur glace. J’ai surtout apprécié cette sensation de connexion avec le public, avec moi-même, avec mon corps. J’essaye d’exprimer une certaine légèreté, tout en restant ancré dans le moment présent. Ce n’était pas parfait, mais ça m’a apporté de la joie, et de bonnes pistes sur ce qu’il faut améliorer par la suite.
Pour le programme long, je vais essayer de la même manière de profiter du moment, de la connexion avec le public, de m’exprimer avec tout mon coeur. J’espère sortir de glace satisfait et reconnaissant d’avoir vécu un bon moment.
Ne pas oublier de relâcher les épaules ! Quand vous mettez de la passion dans ce que vous faites, c’est toujours payant. Je suis très reconnaissant d’être soutenu par beaucoup de fans, surtout quand les gens se déplacent pour suivre la compétition depuis les gradins. ll y a cet échange d’énergie, le patinage n’est pas qu’un sport, c’est aussi un spectacle, on patine pour le public. Cela apporte cette sorte de chose presque intangible qui… oups, je vois que mon coach me demande de faire court, je répèterai donc que je suis très reconnaissant !

Après son début de saison chaotique, notamment son forfait sur blessure pendant le libre des Masters, Kevin Aymoz revient plus combatif que jamais. Je l’ai senti très dans la glace dès les six minutes, et le début du son programme court sur ‘Still don’t know my name’ et ‘Nate growing up’ de Labyrinth, et Timohty Lee McKeenzie donne le ton : quadruple boucle piqué de retour dans le programme, combinaison triple Lutz-triple boucle piqué. Malheureusement, le triple Axel n’est pas déclenché, alors que ce saut est maintenant une simple formalité pour lui. A priori Kevin serait passé sur une trace lors de sa prise d’élan, on le voit, assez énervé à la fin du programme, retourner voir la glace à l’endroit de l’impulsion… Je suis sûr que Kevin n’en sera que plus remonté pour faire un gros programme libre après-demain ! Il totalise ici 83.75 points, il est donc tout près du podium. Logiquement, il remporte la meilleure note de composantes, ce programme court est ciselé et met en avant toutes les qualités d’interprétation que l’on connait de Kevin. Il aurait été intéressant de voir quelle place les juges auraient attribué sans l’erreur sur l’Axel…

La déception du jour vient de Daniel Grassl. Après avoir tenté sans succès l’option américaine, Daniel s’est récemment relocalisé en Russie chez Eteri Tutberidze, comme l’atteste la présence de Sergeï Dudakov et de Daniil Gleikhengauz à ses côtés ici à Espoo. Il reste encore un peu d’hypocrisie sur cette situation, car ses entraîneurs évitent soigneusement de s’assoir dans le Kiss ‘n Cry, sa biographie ISU indique laconiquement que son équipe d’entraîneurs ‘reste encore à déterminer’, et les documents présents dans la patinoire ne mentionnent aucun coach. Bref. Malheureusement, Daniel ne déclenche pas le quadruple Lutz, alors qu’il était solide pendant l’échauffement, c’est une bonne dizaine de points qui s’envolent. Stratégie plutôt risquée, car il lui faut absolument un quadruple : s’il ne le tourne qu’en triple, l’élément est validé, mais il est en difficulté sur sa combinaison (triple Lutz-triple boucle piqué) car il ne peut pas répéter le même triple. Il termine à la 8ème place avec 77.03 points, juste derrière Gabriele Frangipani qui tente deux quadruples.

Morisi Kvitelashvili, le médaillé de bronze de l’édition 2020 est également loin de son meilleur niveau. ‘Way down we go’, titre prémonitoire ? Le quadruple Salchow (ou le boucle piqué ?) est retourné et n’est enchaîné qu’avec double boucle piqué, le quadruple boucle piqué (ou le Salchow ?) est accroché, le triple Axel n’est pas déclenché, un simple tour et demi invalide l’élément (un double Axel minimum est requis). Il ne récolte que 70.55 points, et termine à une modeste 16ème place.

Valtter Virtanen, le patineur finlandais, laisse de côté les plus grosses difficultés qu’il tentait encore récemment : le quadruple boucle piqué et le triple Axel. Son contenu technique est donc plus simple, à base de triple boucle piqué-triple boucle piqué triple Lutz et double Axel, mais le tout est réussi. Il est 18ème avec 68.33 points.

Même contenu technique pour Davide Lewton Brain, qui termine à la 20ème place avec 66.07 points; on le retrouvera après demain dans pour le libre.