Grand Prix de France 2022, J2 libre couple : le titre pour Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps, devant Camille et Pavel Kovalev, et Annika Hocke et Robert Kunkel

C’est une première pour les trois couples du podium ! Première victoire pour les Canadiens, et première médaille en Grand Prix pour les Français et les Allemands.

Deanna Stellato-Dudek et Maxime Deschamps assument leur position de favoris et entament leur programme sur ‘Cleopatra’ avec un triple Twist ample, juge de niveau 3 et dont les notes d’exécution se partagent entre des +3 et des +4, le ton est donné. La combinaison triple boucle piqué-double boucle piqué passe bien également, ainsi que le porté qui suit. Quelques grains de sable arrivent ensuite (pour un thème égyptien, c’était peut-être à prévoir… !), le triple flip lancé est un peu raide. Je me demande ensuite pourquoi Maxime accompagne Deanna sur un pivot, j’attends un rebond pour repartir dans le programme… mais c’est la spirale de la mort, qui est prise de manière complètement inédite ! Ca paye, les juges l’évalue à un niveau 3. Bravo pour l’originalité ! La fin du programme est un peu plus dure, avec seulement double Salchow parallèle, et la même chute sur le triple boucle lancé qu’hier dans le court. Dernière originalité, la pirouette de couple est précédée d’un porté rotatif, bien vu encore une fois ! Ils totalisent 121.81 points sur ce libre, et 185.84 points. C’est plus de douze de points de moins qu’au Skate America, mais c’est suffisant pour leur première victoire en Grand Prix, et la qualification pour la Finale.
Ce n’était pas la compétition la plus facile pour nous, on est contents de la victoire bien sûr, mais surtout de la manière dont on s’est battu ce soir, on n’a rien lâché. Et on se qualifie pour la Finale ! C’est encore de l’expérience de prise, ici on était premier après le court, on patine en dernier dans le libre, on apprend de tout ça.
D’où viennent les prises d’élan originales sur la pirouette de couple et sur la spirale de la mort ? Pour la pirouette de couple, on s’est inspiré des portés rotatifs que font les danseurs, on a essayé de les continuer en pirouette, ça a marché et ça nous a beaucoup plus. Pour la spirale de la mort, on s’est basé sur les retours de l’année dernière, je ne tiens plus ma jambe libre, j’essayer d’aller encore plus dans la carre dehors. C’est Maxime qui a eu l’idée du pivot avant. On a voulu l’essayer en Allemagne, mais on n’était pas sûr que ce soit tout à fait légal. On a demandé l’avis d’un membre du panel technique de l’ISU, qui l’a validé. Sur les compétitions, on ne se souvient généralement que des 3 médaillés, il y a d’autres moyens de rester dans la mémoire de la discipline, c’est ce qu’on essaye de faire.
Deanna :
C’est vrai, j’ai déjà participé à une Finale du Grand Prix… c’était en junior, en 1999, ce n’est même plus dans le même siècle ! J’ai essayé de vivre une vie normale depuis, et le patinage m’a rattrapé. J’ai mesuré tout le travail qu’il me faudrait accomplir pour être compétitive, j’ai quasiment fait une attaque de panique quand j’ai retenté l’Axel, c’est vous dire. J’ai foi en moi-même, je savais que je pouvais m’entraîner dur, il fallait rattraper le temps perdu. Je reste très concentrée sur et hors glace, pour rester en pleine forme.’

Camille et Pavel Kovalev auraient pu voir réapparaitre leurs vieux démons, avec la pression que peut représenter une première médaille en Grand Prix, surtout devant leur public. Il n’en est rien, preuve qu’ils ont énormément progresser. Ils semblent aussi à l’aise qu’hier dans le programme court, avec notamment un très joli triple boucle piqué en combinaison sur la version de Florent Pagny de ‘Caruso’. Eux non plus ne présente pas (encore) le triple Salchow parallèle. Un appui sur les mains à réception du triple flip lancé, c’est leur seule erreur majeure, d’autant qu’ils ont l’audace de placer la triple Salchow lancé, bien atterri, en avant dernier élément. Ils totalisent 115.87 points sur le libre, soit la troisième meilleure performance de la soirée, mais leur avance sur le court leur permet de rester en argent avec 179.85 points.

‘Cette médaille est une première pour nous, sur ce Grand Prix nous n’avions que comme objectif de bien patiner, de nous améliorer, et de prendre du plaisir sur la glace. Faire un podium est une surprise ! La victoire de Deanna après toutes ses années nous montre que tout est toujours possible, même pour nous qui ne sommes plus tous jeunes ! Mais il est toujours possible de s’améliorer. Pour l’instant on ne pense pas trop au NHK, on prend chaque jour l’un après l’autre. Il y a le gala demain, ensuite on rentre à la maison. Nous n’aurons qu’une petite semaine pour nous préparer, on verra mardi de retour à l’entraînement. Peut-être qu’on essaiera d’aller dormir à 7 heure du matin pour ne pas avoir de jet lag !’

Treize petits centièmes de points, c’est ce qu’il aura manqué à Annika Hocke et Robert Kunkel pour monter sur la deuxième marche du podium. Leur deuxième place du libre (119.62 points) leur permet néanmoins de remonter de leur 5ème place du court pour repartir en bronze avec 179.73 points. Ils seront les adversaires directs des Français aux Europes, mais aussi dès leur prochain Grand Prix commun au Japon. Avec sensiblement les mêmes notes de composantes, la différence risque de se faire sur la technique. Annika et Robert ont un Twist de niveau 3, tentent une séquence triple Salchow – double Axel (retourné chez Robert), mais comme les autres médaillés ils n’alignent ensuite qu’un double saut parallèle (le boucle piqué). Dommage les deux pieds à réception du triple boucle lancé, ça leur a coûté un métal différent sur les médailles.

Annika :
Nous sommes très contents de ce que nous avons pu montrer. Nous avons été souffrants avant de venir ici, Robert a eu le covid après le Finlandia Trophy et j’ai été malade après. Ca été surtout mentalement plus dur que ce que nous pensions, ce n’est pas évident de s’aligner sur une compétition quand vous sentez que vous n’êtes pas complètement prêts. On s’est battu, tout n’était pas parfait mais on sait ce qu’il nous reste à travailler.
Robert :
Pour le NHK, nous n’aurons pas non plus beaucoup de temps d’entraînement, surtout que sur le planning de la compétition nous avons des entraînements à 6h du matin, ça va être… intéressant !

Rebecca Ghilardi et Filippo Ambrosini ont choisi ‘Le barbier de Séville’ pour leur libre. Le thème n’est pas très subtil, mais il est abordé à fond pour les deux patineurs, ils s’investissent complètement et sont assez convaincants. Leur patinage l’est un peu moins, le triple Salchow est tourné en double par Rebecca, qui est également à la peine sur la supposée séquence de deux double Axel, où elle ne fait qu’un Axel simple. Les deux sauts lancés sont l’un à la suite de l’autre, pourquoi pas. Bon niveau sur les portés, les éléments de couple ne leur pas de problème. Avec 113.79 points dans le libre, ils terminent 4ème au final avec 174.72 points.

Dès qu’ils rentrent sur piste, Karina Safina et Luka Berulava ont la tête des mauvais jours. Karina en particulier n’affiche aucun sourire et regarde souvent la glace… Ce programme libre sur ‘Exogenesis’ de Muse va être un vrai calvaire, avec des erreurs à répétition : combinaison triple-double-double uniquement composée de double sauts, triple Salchow non déclenché, chute sur les deux triples sauts lancés, spirale de la mort de niveau basique, rien ne va, jusqu’au déséquilibre sur la pause de fin, où Karina finit à genoux, en pleurs. Ils confiaient être dans une passe négative, sans vraiment de repère, ce programme en est malheureusement la preuve, surtout que le strap visible sur le genou droit de Karina n’est pas pour nous réconforter. Il y aura des jours meilleurs, les portés sont de bons niveaux, et le Twist de niveau 3 est bien noté. Avec 100.89 points sur le libre et 162.44 points au total, ils dégringolent de leur 3ème place du court pour la 5ème place au final, avec la 6ème place du libre.

Océane Piegad et Denys Strekalin n’ont pas démérité, loin de là. Certes, ils attendaient beaucoup de cette compétition, et n’ont pas pu concrétiser tous leurs éléments ; Océane surtout parait très déçue de ne pas avoir pu faire aussi bien qu’aux entraînements et a du mal à cacher ses larmes en sortie de piste. Ils commettent quelques erreurs de jeunesse, qui ne sont pas illogiques pour un couple qui ne patine ensemble que depuis 8 mois, avec notamment le dernier porté qui ne monte pas. Il est déjà formidable qu’ils s’alignent en Grand Prix, avec un niveau déjà tout à fait honorable : triple Twist, deux triples sauts parallèles tentés (rappelons que les trois couples médaillés n’en tente qu’un), et deux triples sauts lancés bien réalisés dans l’ensemble. C’est déjà très fort ! A tête reposée, ils apprendront sûrement beaucoup de cette expérience.

Denys :
On est forcément déçus, surtout Océane, on voulait tellement bien faire ! En regardant les images de notre programme, le problème sur le porté semble être un désynchronisme entre nous, l’impulsion n’ a pas été partagée; j’ai ensuite essayé de monter quand même le porté mais c’était trop dur. Après, le programme était plutôt ‘facile’ pour moi. Ce n’est jamais simple de patiner premier, on a un peu moins de temps aux 6 minutes pour répéter nos éléments, on doit tout faire un peu plus vite. Mais on venait de le faire pour le court, sur le libre on était moins dans l’inconnu. Cela reste quand même que notre troisième compétition, dont la deuxième internationale. C’est quand même particulier de patiner devant notre public, on est très soutenus, mais il y a comme une sorte de responsabilité supplémentaire de devoir bien faire qu’on se met sur les épaules. Là on va se reposer lundi, on aura les feedbacks plus complets de nos entraîneurs mardi à la patinoire. Il faut juste qu’on progresse étape par étape, on reste un jeune couple, il nous reste beaucoup d’expérience à engranger.