Mondiaux 2022, jour 2 : le titre pour Knierim/Frazier, après une compétition chargée en émotion

Quelle soirée ! Entre l’abandon pour blessure d’Ashley Cain-Gribble, les réussites, les chutes, nos nerfs ont été mis à rude épreuve. Sachant qu’en cette fin d’un cycle olympique plusieurs compétiteurs arrêtent leurs carrières, la dose d’émotion était déjà conséquente. Les couples étant les premiers à patiner leur libre, c’est avec eux que commencent les au-revoir… Reprenons donc par ordre chronologique.

Même si le premier groupe n’est composé que deux couples, après le forfait des Ukrainiens Sofia Holichenko / Artem Darenskyi pour raisons personnelles, je commence à sortir les premiers petits mouchoirs blancs.

Hailey Kops et Evgeni Krasnapolski s’élancent sur la glace, ils ne font pas leur meilleur programme, loin de là, on sent que la fatigue et le stress jouent en plein, les erreurs s’accumulent sur les sauts individuels, et Evgeni n’arrive pas à monter un porté. Ils terminent en dernière position avec 82 points sur le libre et 126.45 points au total. Après toutes ces années, et ses nombreuses partenaires (six au total), Evgeni aura toujours réussi à présenter des programmes avec un fort contenu technique, en recommençant à chaque fois de zéro, dans des temps très courts. Impressionnant ! Cela va faire bizarre de suivre les grands championnats sans couple israélien, la relève n’étant pas encore là.

Evgeni :
Je suis déçu de n’avoir pas patiné aussi bien que je pouvais aujourd’hui, sachant que c’était ma toute dernière compétition. C’était une grosse journée pour moi, chargée en émotion, la saison a été longue. J’ai essayé de tout donner, toute l’énergie qui me restait.

J’ai eu beaucoup de partenaires différentes, d’un côté j’aurai bien sûr préféré patiner avec une seule et progresser ensuite chaque saison, mais ça a eu aussi ses bons côtés. A chaque fois il a fallu tout recommencer, mais avec les années je savais exactement sur quoi il fallait se focaliser les six premiers mois et se concentrer dessus à 100%. La technique avant tout ! Les détails, ils sont importants c’est vrai, mais quand on a peu de temps il faut accepter de les sacrifier et les remettre pour plus tard. J’ai été vraiment impressionné par Hailey, la vitesse à laquelle elle a réussi à maîtriser les différents éléments.

Je pense que cette expérience me sera très utile pour le futur, vous me reverrez mais en tant qu’entraîneur. J’ai déjà commencé avec Galit, ma coach jusqu’à ce soir, mais ces derniers temps je me suis concentré logiquement sur ma carrière.

Hailey :
La saison a été longue, on a réussi à se qualifier pour les Jeux, c’était une expérience incroyable ! Sur ces championnats, j’ai donné mon maximum, sachant que ce serait notre dernière compétition, et surtout pour Evgeni pour sa toute dernière sortie ! Ca va être dur de se dire au revoir. De mon côté je vais commencer par prendre des vacances, direction le Mexique ! Je ferai le point plus tard.

Beaucoup d’émotions également pour Zoé Jones et Christopher Boyadji, très émus en quittant la glace, surtout Zoé après toutes ses années ! Ils ont également savouré leur dernier Kiss and Cry, comme pour imprimer ces derniers moments dans leur mémoire.
Ils venaient de réaliser un bon programme, à la hauteur de leurs possibilités actuelles, avec un joli double Axel notamment. Le Twist n’est qu’en double, la combinaison de saut également (double boucle piqué-double boucle piqué), mais pas de chute, les sauts lancés sont tenus, avec un deuxième appui certes. Vu leur peu de préparation, une grande réussite, de quoi finir la tête haute ! Leur persévérance tout au long des années, avec des conditions d’entraînement compliquées et des moyens réduits forcent le respect.

Christopher :
Oui, c’était notre toute dernière compétition ! On n’était pas vraiment prêt pour un programme libre, je n’étais pas partant pour venir sur ces mondiaux, mais Zoé et mon entraîneur m’ont convaincu. Ils ont eu raison, il fallait finir de cette manière. On s’est simplement concentré sur le fait de partir du début du programme et d’aller jusqu’au bout.

Zoé :
Ce qui nous fait tenir si longtemps, c’est tout simplement l’amour de ce sport, de prendre plaisir sur la glace quoi qu’il arrive. Techniquement on n’est plus à notre meilleur niveau, c’est clair. On a eu pas mal d’embûche à surmonter, dont le covid, et repartir quasiment de zéro à chaque fois, ça devient de plus en plus difficile avec le temps. On a compté, on a 73 ans à nous deux ! On est les grands parents de la compétition, il y a des patineurs plus âgés que Christopher, mais je pourrai être la mère de certaines patineuses !

Christopher :
Pour la suite, j’ai une société qui commercialise des spinners qui permettent de travailler les pirouettes hors glace, ça me prend pas mal de mon temps, je vais pouvoir m’y consacrer pleinement désormais.

Zoé :
De mon côté, je serai toujours à la patinoire tôt le matin, mais pour entraîner. Je vais aussi pouvoir passer plus de temps avec mes enfants.

Juste après eux s’élancent sur la glace Camille Kovalev et Pavel Kovalev. Le public nombreux les soutient dès leur entrée sur glace et sans faiblir tout le long du programme, même quand les jambes commencent à trembler. Cette ambiance précieuse est une première pour eux, c’est leur premier grand championnat à domicile, cela a dû leur faire chaud au cœur. Techniquement, ils sont quasiment au maximum de leurs possibilités : triple Twist, triple boucle piqué parallèle, triple Salchow lancé, le début de programme passe très bien. La fin est plus dure, la fatigue se fait sentir. Toujours gênée par sa blessure à la cheville, Camille réceptionne le triple flip lancé sur deux pieds, et la combinaison de sauts n’est qu’à base de double Salchow. Ils récoltent 102.78 points, leur meilleur score de la saison, pour terminer avec 153.73, avec une 8ème place synonyme de deux quotas l’année prochaine !

Camille :
On est super contents de notre performance, mais c’était dur à tenir ! Heureusement le public était là, c’était génial d’être soutenus de cette façon, ça nous a vraiment aidé, surtout sur la fin du programme où on n’avait plu de jambes et où on ralentissait. Il y avait du stress aussi, car ce sont les mondiaux, nos premiers, ils sont en France, beaucoup de nos proches sont là dans les gradins.
On ramène deux quotas à la France pour l’année prochaine ! J’aurai peut-être rêvé que ce soit nous qui ramenions deux quotas, mais je n’aurai jamais pensé que je le ferai !
Pour la suite, on va rester ici jusqu’à dimanche pour profiter de la suite des championnats. Ensuite un peu de repos, et la tournée de l’équipe de France arrive vite. J’ai aussi des stages à faire dans le cadre de ma formation d’encadrante pour la petite enfance.
L’année prochaine, on aimerait continuer bien sûr, mais il y a le côté financier à assurer, il va falloir organiser tout ça finement pour que tout se passe au mieux. Mais on a déjà des idées, on va changer de programmes, on commence à écouter des musiques.

Après le resurfaçage, Miriam Ziegler et Severin Kiefer font eux aussi leurs adieux à la compétition. Après pas mal d’embûches, ces patineurs sympathiques auront trusté de nombreuses années le top 10 européen. Leur dernier programme aura été quelque peu à l’image de leurs capacités techniques : individuellement très solides, avec triple boucle piqué en combinaison et triple Salchow, et quelques lacunes sur les éléments de couple : Twist toujours de niveau 1, et chutes sur les deux sauts lancés. Ils auront été les seuls à ma connaissance à patiner sur une musique de Bjork ! Ils remportent 105.89 points sur le libre et 166.68 points au total, pour la 7ème place au final. On les reverra sûrement dans les patinoires, ils se destinent à une carrière d’entraîneur, Miriam explique les yeux rougis qu’elle compte également intégrer la fédération autrichienne.

Choisir la musique de ‘Falling’ de Harry Style peut paraître dangereusement prémonitoire… ‘Tomber’, n’est pas un objectif sur la glace ! Les paroles sont plus précises : ‘Falling for you’, il s’agit donc de ‘craquer sur toi’ pour Vanessa James et Eric Radford. Programme solide, une seule grosse erreur sur la combinaison triple boucle piqué-double boucle piqué-double boule piqué, qui n’est pas du tout synchrone, et où il manque des tours. Tout le reste est solide, notamment les deux sauts lancés. 130.78 points sur le libre ils prennent à ce moment la tête de la compétition. Cela sera-t-il suffisant pour le bronze ?

Karina Safina et Luka Berulova n’arriveront pas à les devancer sur le programme libre : ils empochent 124.38 points, et 191.74 points au total. Pourtant leur programme est solide, malgré l’erreur sur le double Salchow et le deuxième saut lancé qui passe tout juste. Belle technique individuelle et de couple, il leur manque je trouve une connexion plus évidente dans leur évolution.

Au tour des Japonais Riku Miura et Ryuichi Kihara de prendre place sur la glace, avec comme objectif de défendre leur bronze provisoire. Malheureusement, leur régularité technique leur fait défaut, avec une première erreur sur la combinaison, puis une deuxième sur le triple Salchow, et une chute sur le triple Lutz lancé. Inhabituel pour eux, ils ont sûrement été rattrapé par l’enjeu. Un regard du côté des scores : le bronze parait possible pour Vanessa et Eric, mais battre les Japonais ne parait pas si simple, il faudrait qu’ils fassent 16 points de moins que leur record de la saison. Ce sera finalement 127.97 points, et 199.55 points au total, ils sont assurés du bronze, et les Canadiens devront une nouvelle fois se contenter de la 4ème place.

Rien ne va ensuite se passer comme prévu… Dès les premiers secondes de leur programme, Ashley Cain-Gribble et Timothy Leduc ne paraissent pas du tout dans la glace, surtout Ashley. Elle chute sur le triple boucle, puis sur le triple Lutz lancé. Sur le triple Salchow, Ashley est de nouveau à la faute, mais cette fois-ci elle ne se relève pas, et reste étendue sur la glace. Images terribles !

Elle ne semble pas souffrir de fracture ou d’entorse, elle est consciente mais fortement secouée, et semble ne pas savoir où elle est. Timothy revient très vite près d’elle pour la soutenir, avant que leur musique ne soit finalement arrêtée et que l’équipe médicale la prenne en charge. Elle quitte la glace en pleurs sur le brancard… tout ce qu’on ne veut pas voir en compétition, où on ne peut que souhaiter le meilleur pour ces athlètes qui font tant de sacrifices; c’est la dure loi du sport… même si ce sont des moments très durs.
Finalement le bronze est acquis pour Vanessa et Eric, mais ce n’est sûrement pas la façon dont ils pensait le conquérir.

Alexa Knierim et Brandon Frazier sont les derniers à patiner. Leur timing pour se présenter sur la glace est forcément affecté par l’abandon de leurs compatriotes, qu’ils voient quitter la glace épaulés par le staff médical. Brandon soutient Timothy par une brève accolade. Pourront-ils faire fi de ce contre-temps et rester dans leur bulle ? Réponse affirmative : dès les premiers éléments, on les sent dans la glace et complètement investis dans leur interprétation sur ‘Fix you’ de Coldplay. Ils sont bien décidés à remporter leur premier titre mondial de la meilleure façon qui soit, avec un sans faute ! Encore un grand moment dans cette soirée décidément chargée en émotion, car ils sont intouchables, et font leur meilleure compétition de la saison. 144.21 points sur le libre, 221.09 points, le titre mondial est pour eux, le premier pour un couple américain depuis plus de 40 ans !