Sur la lancée de sa victoire au Skate America, Nathan Chen prend la tête de la compétition sans trembler et peut sereinement envisager une qualification en finale du Grand Prix. Alexander Samarin, auteur d’un excellent programme sur le plan technique, est en embuscade. Kevin Aymoz, troisième, est cependant distancé en raison d’une chute sur sa tentative de combinaison, alors que Romain Ponsart prend une sixième place très satisfaisante.
Champion du monde en titre, Nathan Chen est invaincu en Grand Prix depuis maintenant plus de deux saisons, et se dirige vers un nouveau succès à Grenoble. Toujours attendu en tant que favori, il montre une maîtrise d’exécution remarquable avec deux quadruples (quadruple boucle piqué en combinaison, quadruple flip en seconde moitié de programme). La réception du triple Axel n’est certes pas limpide, mais cette erreur mineure ne suffit pas à l’empêcher de dépasser à nouveau les 100 points. Son appropriation de “La Bohème” de Charles Aznavour se dévoile avec des nuances et une forme de simplicité, même si le programme pourrait être plus expressif et révéler davantage de la personnalité de Chen. Il accumule en tout cas de la confiance sur ce début de saison, et son duel à distance avec Yuzuru Hanyu est passionnant à suivre.
Alexander Samarin améliore assez largement son meilleur score international, grâce à un programme très solide techniquement avec deux quadruples particulièrement difficiles (quadruple Lutz en combinaison, puis quadruple flip). Comme Chen, son triple Axel obtient des grades d’exécution négatifs mais sa prestation reste dans l’ensemble excellente. Souvent en retrait ces dernières saisons sur la note de composantes, en raison d’un patinage trop figé et limité dans son interprétation, il a progressé sur ce plan même si sa marge de progression reste importante. Médaillé aux Euros la saison passée, il peut espérer cette saison s’approcher des meilleurs patineurs mondiaux à condition d’être très régulier et de continuer à travailler ces points faibles. Il aura en tout à coeur sur le libre de consolider cette seconde place, qui constituerait son meilleur résultat en Grand Prix.
Kevin Aymoz, très expressif dans sa manière de vivre son patinage, a manifesté des regrets et de la frustration au terme de son programme court. Cette troisième place n’est pourtant pas un mauvais résultat, mais sa position est cependant fragile et il pouvait espérer bien davantage. S’il a débuté idéalement sa prestation avec un excellent quadruple boucle piqué, sa chute sur le triple Lutz prévu en combinaison lui fait perdre un très grand nombre de points, alors qu’il avait la possibilité théorique de talonner à Samarin au classement. Il se reprend par la suite sur le triple Axel, et il s’approprie sa chorégraphie avec beaucoup de ferveur et d’intensité. La déception reste cependant bien réelle et Kevin aura une forte motivation sur le libre pour montrer son meilleur visage. Et il faut souligner que sa progression ces dernières saisons a été remarquable, notamment dans sa capacité à élever son niveau technique sans rien perdre de son caractère en tant que patineur.
Vice-champion du monde olympique et ancien vice-champion du monde, Shoma Uno sera le principal rival de Kevin pour une place sur le podium. Ce classement est une relative désillusion pour Shoma, avant tout pénalisé par un vécu de sportif actuellement très complexe, puisqu’il s’entraîne et participe aux compétitions sans coach attitré. Ce manque de cadre, de certitudes, est très visible et son patinage n’a pas suffisamment de repères, de stabilité. Son potentiel reste intact mais n’est pas suffisant pour compenser des lacunes et l’absence de ligne directrice. S’il débute ce programme court par un très solide quadruple flip, il chute à deux reprises par la suite sur son quadruple boucle piqué prévu en combinaison, puis sur un triple Axel complètement désaxé. Il faut souhaiter à Shoma de prendre des décisions constructives au cours des prochaines semaines pour relancer sa saison, même s’il est forcément capable de montrer un autre visage dès le programme libre.
Morisi Kvitelashvili prend une cinquième place relativement satisfaisante, notamment grâce à sa combinaison quadruple Salchow-triple boucle piqué. Son triple Axel est également très solide, mais une chute sur le quadruple boucle piqué lui coûte de nombreux points. Morisi est également nettement devancé sur le plan des composantes, car son patinage manque de fluidité et de nuances.
Romain Ponsart se présentait à ce Grand Prix de France sans beaucoup de repères, et sa sixième place est dans ce contexte un résultat très encourageant. Même si les réceptions ne sont pas irréprochables, il réussit l’ensemble des difficultés techniques proposées : quadruple boucle piqué, triple Axel et triple Lutz-triple boucle piqué en combinaison. La sensibilité de sa prestation est également à souligner, et il faut espérer que cette confiance à l’issue du court lui permette de patiner son programme libre dans le même état d’esprit.
Sergei Voronov est toujours au rendez-vous au plus haut niveau, même si meilleures années en compétition sont désormais derrière lui. Il réalise une excellente combinaison quadruple-triple, mais peut regretter par la suite un Lutz qui ne passe qu’en double, ainsi qu’un triple Axel extrêmement fébrile. Il reste cependant placé avec moins d’un point de retard sur Romain Ponsart, et peut espérer progresser au classement sur le libre.
Ancien champion du monde junior, Daniel Samohin a beaucoup de potentiel mais ses prestations en compétition sont régulièrement inégales, voire décevantes. Il n’a pas convaincu sur ce court avec de multiples erreurs sur les sauts : chute sur le quadruple Salchow, réceptions fébriles et sous-rotation sur sa combinaison triple-triple. Il devance de justesse Nicolas Nadeau, qui n’a pas chuté mais a proposé un contenu technique insuffisant à ce niveau : combinaison triple-double et triple boucle en saut individuel.
Tomoki Hiwatashi, qui effectuait ses débuts en Grand Prix Senior en tant que champion du monde junior en titre, n’a pas obtenu le résultat qu’il pouvait espérer. Si le quadruple boucle piqué passe de justesse, il ne déclenche pas son triple Axel, et la réception de sa combinaison triple Lutz-triple boucle piquée manque de limpidité. Il doit donc se contenter d’une dixième place forcément frustrante qui ne reflète pas ses qualités, et tentera de se remobiliser pour remonter au classement.
Anton Shulepov, onzième, a malheureusement multiplié les erreurs sur son programme avec un quadruple chuté et dégradé, et des réceptions de triples sauts retournées. C’est pour lui un programme à oublier et il s’agira de retrouver ses acquis sur le programme libre.