NHK Trophy : Analyse

Le Trophée NHK, premier Grand Prix de la saison, a laissé des impressions contrastées : si des patineurs d’expérience ont pu confirmer leur statut, et si la relève a su affirmer des ambitions, les performances d’ensemble ont été très inégales. Cependant, les objectifs sont encore lointains, et le Grand Prix n’est pas considéré par tous comme une priorité, ce qui permet d’atténuer certaines déceptions.

 

Takahashi et Abbott au rendez-vous, la satisfaction Amodio

Le champion du monde en titre avait à coeur de l’emporter devant son public : le contrat est rempli avec un succès qui ne souffre aucune contestation. Il prend la tête avec un programme court proche du sans-faute (une main à la réception du triple Axel), et confirme sur le programme libre. Pour la seconde fois d’affilée après le Japan Open, il passe le quadruple boucle piqué. Il enchaîne ensuite avec cinq triples sauts, dont deux triples Axel. Une condition physique encore perfectible le fragilise sur la fin (triple Salchow non déclenché, échec sur le second triple Lutz), mais à ce stade de la saison, c’est presque anecdotique.

Pour Jeremy Abbott, le bilan est aussi positif, même s’il aurait pu espérer rivaliser avec Takahashi : en retrait sur les composantes par rapport au patineur japonais, il commet également des erreurs davantage pénalisantes. Sur le programme court, la pirouette assise n’est pas comptabilisée, ce qui affaiblit son score technique malgré un sans-faute sur les sauts. Sur le libre, il ne déclenche pas le second triple Axel, et voit son second triple Lutz dégradé. Cependant, ses prestations sont largement suffisantes pour un premier podium au NHK (son meilleur résultat était jusqu’alors une 4e place en 2007). Et comme Takahashi, il se place idéalement en vue de la finale du Grand Prix.

Florent Amodio prend la troisième place, et parvient même à devancer Abbott sur le programme libre, grâce à une meilleur note technique. Combatif et enthousiaste, Florent a donné le meilleur de lui-même. Quatrième après le programme court, il a fait la différence sur le libre avec un quasi sans-faute. Il réussit ses deux triples Axel d’entrée, et place sa combinaison triple-triple en seconde partie de programme. Seul bémol, le double Axel conclusif n’est pas déclenché, comme aux Masters d’Orléans. Il améliore tout de même nettement son meilleur score international, avec un podium qui en appelle probablement d’autres : de quoi être ambitieux fin novembre à Bercy…

Le champion du monde junior Yuzuru Hanyu échoue au pied du podium, mais après avoir montré bien des promesses : il maîtrise l’ensemble des difficultés techniques (il entame notamment son libre avec un remarquable quadruple saut), et avec davantage de maturité, il pourra viser plus haut. Troisième patineur japonais, Takahito Mura termine à la sixième place, en ayant pu montrer son potentiel technique : combinaison quad-triple sur le court, quadruple sur le libre, il devra se montrer plus régulier s’il ne veut pas être barré par la concurrence nationale.

 

Shawn Sawyer, sur le podium après le court, rétrograde en cinquième position : l’absence de triple Axel ne lui permet malheureusement pas d’espérer mieux. Kevin Van der Perren, par contre, effectue une belle remontée sur le libre, le Belge pouvant toujours compter sur des prouesses techniques : quadruple, triple Axel, puis combinaison triple-triple-triple, pour compenser ses lacunes sur les composantes.

Enfin, Adrian Schulteiss et Denis Ten ont plutôt déçu, terminant respectivement à la dixième et douzième places. En retrait sur le plan physique, peu en réussite sur les sauts, on attend d’eux beaucoup mieux pour leur second Grand Prix.

 

Kostner par défaut

La compétition féminine, particulièrement lors du programme libre, a été marquée par des performances très faibles. Cependant, plusieurs patineuses ont repris leur technique de sauts, et n’étaient manifestement pas prêtes.
C’est le cas de Mao Asada : la championne du monde en titre était attendue à domicile, et ce malgré une prestation délicate au Japan Open. Mais le mal était trop profond….en effet, son travail sur le lutz (saut qu’elle ne réalisait plus ces deux dernières années) a fragilisé l’ensemble de ses triples : la rotation de l’Axel est insuffisante sur le court, et elle ne peut le déclencher sur le libre. Elle chute également sur ses deux tentatives de triple flip dans le libre, et au final, seul le triple boucle passe sans difficultés. Malgré des composantes élevées, elle prend donc une décevante huitième place, sans que l’on ait véritablement pu analyser ses programmes. Avec de plus un changement d’entraîneur (de Tarasova à Nobuo Sato), Mao doit gérer une période de transition difficile, dont on ne peut guère prévoir la durée. En l’état, la finale du Grand Prix est déjà un objectif inaccessible.

La défaillance d’Asada a profité à Carolina Kostner, qui s’impose sans Lutz ni flip. Le contenu est limité, et plusieurs réceptions sont accrochées dans le programme libre, mais ce résultat est important pour retrouver une confiance et une sérénité. Ce doit être un tremplin et non un aboutissement, à confirmer en vue d’une qualification pour la finale du Grand Prix.
Deuxième, Rachael Flatt a commis des erreurs inhabituelles sur son libre, et elle est largement devancée par Kostner sur les composantes, son patinage manquant de vitesse, de fluidité et de légèreté pour soutenir la comparaison avec l’Italienne.

Le bilan américain est contrasté, puisque Ashley Wagner prend la cinquième place, et Caroline Zhang la septième. Wagner s’est montré trop fébrile pour espérer mieux…Zhang, de son côté, a aussi repris sa technique de sauts, pour se débarrasser d’un "mule-kick" pénalisant. Et il est encore trop tôt pour évaluer d’éventuels progrès.

La championne du monde junior Kanako Murakami offre donc une légère surprise en s’emparant de la troisième place du podium. En réussite sur le court, elle a craqué sur le libre après avoir passé sa combinaison triple-triple. Mais c’est suffisant au vu des performances de ses adversaires. Elle pourra certainement proposer mieux à l’avenir, en conservant un dynamisme et un enthousiasme qui font plaisir à voir.

Quatrième, Kiira Korpi est passée un peu à côté de sa compétition : elle avait montré plus de garanties au Nebelhorn et au Finlandia. La combinaison 3-3 ne passe pas, et elle commet trop d’erreurs sur le libre pour espérer compenser par sa note de composantes.
Elene Gedevanishvili termine sur le podium du programme libre après avoir manqué son court, ce qui lui permet de prendre la sixième place au final, avec des sensations mitigées.

Enfin, Léna Marrocco n’a pas manqué son entrée dans le circuit des Grand Prix, avec une très honorable dixième place. Elle peut être satisfaite de son triple Lutz, réussi sur le court et le libre. L’échec sur le triple flip, premier saut de la combinaison du court lui coûte cher, mais c’est en tentant les difficultés qu’elle peut progresser.

 

Pang/Tong sans briller

Favoris de la compétition, les champions du monde en titre Qing Pang et Jian Tong l’emportent avec une certaine marge, malgré des difficultés sur les sauts individuels du programme libre. Ils seront probablement plus affutés dans quelques semaines, la qualification pour la finale du Grand Prix semblant être une formalité.

Vera Bazarova et Yuri Larionov prennent la seconde place, ainsi qu’une option pour la finale du Grand Prix. Si les Russes ont encore des problèmes de synchronisation sur les sauts individuels, ils montrent qu’ils ont gagné en constance par rapport à l’an passé, et ils maîtrisent désormais le triple flip lancé.

Les Japonais Narumi Takahashi et Mervin Tran, vice-champions du monde junior, complètent le podium. C’est pour eux un bel encouragement, même s’ils ont eu du mal sur le libre à confirmer un programme court solide. Mais ils ont pu compter sur de relatives défaillances de la concurrence.

Déconvenue pour Caydee Denney et Jeremy Barrett : peu à l’aise sur les sauts, en difficulté sur les portés, ils n’ont jamais semblé dans le coup. Cinquièmes de la compétition, ils devront vite se ressaisir. Ils sont même devancés par leurs compatriotes Caitlin Yankowskas et John Coughlin, qui ratent le podium de très peu après deux bonnes prestations.

Mylène Brodeur et John Mattatall, sélectionnés de dernière minute suite à un forfait, ont tout de même pu offrir deux performances satisfaisantes, avec une sixième place à la clef. Maylin Hausch et Daniel Wende, septièmes, ont été plus réguliers que par le passé. Yue Zhang et Lei Wang terminent plus loin.

 

Un podium danse 100% nord-américain

Meryl Davis et Charlie White terminent loin devant, avec une exécution déjà limpide, caractéristique de leur aisance. Leurs programmes ne sont pas encore rodés, mais leur maîtrise technique est suffisante pour établir des écarts importants.

Derrière les Américains, la lutte a été rude, avec des rebondissements sur les deux phases de la compétition. On a encore pu observer l’importance du jugement pour l’obtention des niveaux (twizzles, pas), ce qui a pu causer de mauvaises surprises.

Kaitlyn Weaver et Andrew Poje prennent la seconde place, confirmant leurs progrès de la saison passé. Ils devancent Maia et Alex Shibutani, qui débutent donc en Grand Prix senior avec un podium, se permettant même de dépasser les Canadiens sur le programme libre.

Elena Ilinykh et Nikita Katsalapov ont eux aussi réussi leur transition, les champions du monde junior prenant la quatrième place. Leur programme libre doit cependant être affiné, notamment en ce qui concerne les portés (ils ont obtenu une déduction sur le libre).

Anna Cappellini et Luca Lanotte, par contre, ont raté leur rentrée, notamment sur la danse libre. Entre une déduction sur un porté et des twizzles approximatifs, l’impression d’ensemble était loin d’être convaincante. Ils devront très vite réagir.

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