Interview de Pernelle Carron et Lloyd Jones lors des Mondiaux de Turin

Pernelle Carron et Lloyd Jones lors des Championnats d’Europe de Tallinn au mois de janvier dernier (Photo BD)

 

(Propos recueillis par Brice Dequaire)
 

Lloyd Jones lors des Master’s d’Orléans (Photo Laëtitia Mériguet)

1/ Quel est votre sentiment ici à Turin sur ces Championnats du Monde, sur votre 12ème place, mais aussi sur votre première saison ensemble ?
Pernelle: On est très satisfait pour la compétition, nous avons battu nos records personnels sur les trois épreuves. C'est super, on a rempli notre contrat, nous avons fait de notre mieux, on s'est fait plaisir. Pour la saison, on est ravi, Muriel et Romain également. On y est allé avec des objectifs, ensuite, tout ne se passe pas toujours idéalement, on a fait en sorte que cela marche. Nous sommes allés au-delà de nos envies, c'est super pour la saison à venir, une porte s'ouvre.

 

Pernelle Carron lors des Master’s d’Orléans (Photo Laëtitia Mériguet)

2/ Lloyd, comment se passe ta vie en France ?
Lloyd: J'aime beaucoup la vie en France, le climat et le calme. Je suis à Lyon depuis deux ans.
 
 
3/ Vous aviez monté vos programmes seuls pour cette saison, comptez-vous renouveler l'expérience pour la saison prochaine ?
Pernelle: Non, je ne pense pas. Au début de cette saison, nous avons monté nos programmes seuls par défaut de moyen. On a fait au mieux, ça nous aussi permis d'apprendre à collaborer ensemble rapidement, de se connaître et de savoir comment bouger l'un avec l'autre. Nous avons plus de moyen maintenant, je pense que nous allons prendre des chorégraphes. On veut s'ouvrir, s'épanouir, il faut être avec quelqu'un pour dialoguer.
 
 
 
 
4/ Avez-vous déjà fait des choix pour les musiques et sur les chorégraphes avec lesquelles vous voulez travailler ?
Pernelle: Non, mais avons plusieurs pistes de réflexion pour les musiques de nos futurs programmes, Muriel et Romain sont en train d'y réfléchir.
 
 
5/ Quelle est votre perspective ensemble sur le long terme ? 2014, 2018 ?
Pernelle: Au moins 2018 ! (rires) On a de gros objectifs, on veut vraiment se donner à fond pour faire une belle carrière.
Lloyd: C'est le début, oui.
 
6/ Lloyd, à l'instar de Vanessa James, vas-tu pouvoir obtenir le passeport français pour les Jeux Olympiques de Sotchi en 2014 ?
Lloyd: Oui, je ne pense pas que ce soit un problème, car je suis en France depuis deux ans déjà. Les démarches sont en cours.
Pernelle: Nous attendons une réponse.
 
 

Pernelle Carron et Lloyd Jones lors des Master’s d’Orléans (Photo Florence Lécrivain)

7/ Etes-vous pour ou contre la suppression de la danse imposée ?
Pernelle: Je comprends le pourquoi de la suppression de la danse imposée. En revanche, les propositions de l'ISU ne sont pas bonnes pour moi. Ce mélange de la danse imposée avec la danse originale, je n'ai pas de mots pour l'expliquer. Je trouve ça nul, c'est la mort de la danse. Ce n'est pas intéressant pour le public, pour nous, ce n'est pas intéressant chorégraphiquement. Non, ce n'est pas possible. On en a tous discuté entre patineurs, on a tous la même opinion, la danse imposée est très importante pour la base du patinage, pour montrer que l'on sait patiner en couple. L'opinion majoritaire est qu'il faut la garder pour les juniors. Si c'est un problème d'argent, dans ce cas il faut deux épreuves en junior (la danse imposée et le libre) et deux en senior (la danse originale et le libre) avec bien sûr des éléments techniques requis dans la danse originale. Mais le principe de faire une série de Golden Waltz, pour ensuite en 2mn50 faire une petite médiane, un petit porté, les twizzles, la musique est déjà terminée, on n'a plus temps de rien faire, on n'a même plus le temps de danser. Pour le public, ce sera immonde à mon avis, pour nous ça ne sera pas gérable.
 

 

Pernelle Carron et Lloyd Jones lors des Master’s d’Orléans (Laëtitia Mériguet)

8/ Justement, pour vous, est-ce que ce système de jugement convient à la danse sur glace ? Il a énormément standardisé les programmes, beaucoup de portés identiques, de suites de pas qui se ressemblent. Comment ressentez les choses ? Prenez-vous plaisir à patiner avec ce système qui a une forte tendance à stéréotyper les programmes ?

 

Pernelle: Quand le nouveau système est arrivé, je pense que c'était très difficile pour tous les couples de se faire plaisir dans ces chorégraphies parce que les éléments étaient tous les mêmes et parce que la créativité était difficile à développer. Depuis cette année et l'année dernière, on sent quand même que des couples tentent de pousser la créativité, tout en restant à la limite du règlement. Il y a des modifications tous les ans, on enlève des séries de twizzles, des portés, mais on voit vraiment que les couples essayent de se dire « On ne va pas tous se prendre le pied à la tête » comme lors des J.O de Turin en 2006. Cette année, on a vu les portés de Tessa Virtue et Scott Moir, ou encore ceux de Meryl Davis et Charlie White. On cherche tous à dire, il faut essayer d'être différent, on n'en peut plus de faire les mêmes pas.
 
 
 
 
9/ Quelle est votre opinion sur les modifications que l'ISU a apportées cette année dans l'organisation des Championnats d'Europe et du Monde ? Réduction des patineurs qualifiés pour les finales, ce premier groupe du libre à l'écart des autres, votre départ le lendemain du programme libre.
Lloyd: Le problème pour moi, c'est qu'ils coupent la compétition. Les cinq premiers couples passent, il y a un break ensuite, je ne sais pas pourquoi !
Pernelle: Il n'y a même pas de raison. Ça fait, aller, on vous laisse le droit de patiner. On nous raconte que c'est pour des histoires de télévision, sauf que lors des Championnats d'Europe, le premier groupe est passé à la télé. A Tallinn, il y a eu une pause après le premier groupe, mais en plus, il y a eu un spectacle ensuite lors duquel ils ont enfumé la patinoire. Le juge arbitre a dû retarder la reprise de la compétition à cause de ça. Ils ont ouvert les portes alors qu'il faisait -26° dehors pour aérer, nous étions gelés sur la glace.
Lloyd: C'était un spectacle pendant les Championnats d'Europe.
Pernelle: Ici à Turin, le public n'était même pas rentré pour le premier groupe, c'est épouvantable, incompréhensible. Je trouve cela irréspectueux pour les patineurs. Là on s'est dit, il faut atteindre le top 15 pour ne pas passer dans ce groupe. Pour les couples qui sont bons, quelle est la possibilité pour eux de se battre contre d'autres couples qui passent après ? On sait très bien que les groupes influencent le niveau des composantes. Sur le fait que nous devons repartir le lendemain des finales, je trouve ça triste. Les Championnats d'Europe et du Monde, c'est aussi un esprit d'équipe, on est là les uns pour les autres. Nous, on va voir Vanessa et Yannick, mais eux ne peuvent pas venir nous voir. Nous comprenons les raisons, elles sont financières, mais il y a sûrement d'autres solutions, il faut en trouver.
 

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