Interview de Brian Joubert à Los Angeles

Huit fois médaillé aux Championnats d’Europe, Brian Joubert a décroché aux Etats-Unis sa 5e médaille mondiale. A Los Angeles, après le gala des Championnats du Monde et 24 heures avant l’annonce dans la presse de sa séparation avec Jean-Christophe Simond, le champion d’Europe a accepté de répondre aux questions de Passion Patinage…

(Propos recueillis par Brice Dequaire) 

 

L’équipe de France à Los Angeles en compagnie d’un athlète français venant de l’athlétisme et de Clémentine Lucine (ndlr : Clémentine Lucine est la soeur de Kim Lucine, elle a notamment été championne du monde de Ski Nautique en 2007 en figures et combiné). NB : Cette réception ayant eu lieu le jour du libre dames, Candice Didier était absente (Photo BD)

 

1/ Tu as eu quelques difficultés cette saison, des problèmes de patins, un changement de programme au mois de Décembre et trois forfaits, un lors de la Finale du Grand Prix, le second lors des Championnats de France et le dernier à l’occasion du Challenge international de La Haye. Avec quelques jours de recul, quel est ton sentiment ici sur ta performance avec cette médaille de bronze ?

Je suis surtout déçu par le changement de stratégie que l’on a effectué au dernier moment, ça m’a posé des problèmes. Ce qui m’a fait plaisir sur cette compétition, c’est que j’ai retrouvé des sensations mentalement et physiquement que je n’avais pas ressenties depuis 2007. Quand je suis rentré en piste pour mon libre, j’étais très confiant, ça s’est d’ailleurs vu avec le quadruple et sur la combinaison triple Axel-triple boucle piqué. Ensuite j’ai trop réfléchi, c’est ce qui m’a fait faire des erreurs. 

Brian Joubert à Bercy le 4 avril dernier (Photo Florence Lécrivain)

 

2/ Qui a pris la décision de changer la planification de ton programme libre entre l’échauffement et ton passage ?

C’est Jean-Christophe qui est venu me voir en me disant "Regarde, Brian, les autres n’ont pas fait de quadruple. Toi, si tu fais ça, c’est tant de points". Nous avions adopté cette stratégie lors des Championnats d’Europe, mais je m’étais préparé pour cela. En revanche, depuis Helsinki pour ces Championnats du Monde, je m’entraîne sur le libre avec deux voire trois quadruples. Je regrette de ne pas avoir fait ce qui était prévu, de ne pas avoir tenté. J’aurais peut-être fait une erreur, je l’aurais peut-être réussi. 

Brian Joubert à Los Angeles lors de la conférence de presse du programme libre (Photo BD)

 

3/ Tu as fait plusieurs quadruples Salchow lors des entraînements officiels. J’ai vu des séances extraordinaires ici à Los Angeles, une notamment lors de laquelle tu as montré une maîtrise technique impressionnante. Sur cet entraînement, tu as fait un nombre incalculable de triples Axel et de quadruples, ta régularité technique était vraiment excellente. Est-ce que tu n’es pas frustré à cause de cela, car tu étais visiblement très en forme ?

J’ai eu de très bonnes sensations ici aux entraînements et pendant la compétition, ce n’était pas forcément une grosse prise de risque de le tenter, car je rate rarement le quadruple Salchow. J’aurais dû en profiter ! 

4/ As-tu modifié d’autres choses dans ton programme ?

J’ai remplacé le quad Salchow. Du coup, j’ai changé l’ordre des sauts et j’ai rajouté un triple Lutz. Après le premier Lutz, je me suis rendu compte que j’étais perdu dans le programme. Je n’ai pas fait le Salchow et la combinaison de trois sauts était prévu sur le double Axel sur lequel je suis tombé (ndlr : Double Axel-double boucle piqué-double boucle piqué). C’est bête, car ce changement m’a fait faire pas mal de bêtises pour rien. 

Brian Joubert à Helsinki lors des Championnats d’europe au mois de janvier dernier (Photo Stéphanie Bruni)

 

5/ Pour toi, ce changement est-il vraiment à l’origine de ta contre-performance ?

Non, il n’y pas que ça. Le début de la saison a été difficile, j’ai fait des erreurs. J’avais des problèmes et au lieu de les régler tout de suite, j’ai laissé trainer. À cause de tout cela, j’ai accumulé du retard. Lors de la saison 2006-2007, j’étais arrivé sur les Master’s de Clermont-Ferrand avec un libre avec deux quadruples différents, le Trophée Bompard aussi deux quadruples et la Coupe de Russie trois. Quand tu enchaînes les bonnes performances de cette manière, la confiance s’installe. Tes concurrents peuvent tomber quatre fois, ça ne change rien, tu ne te poses plus de questions. Si la confiance avait été là, même si mon entraîneur m’avait dit "Tu ne fais qu’un seul quadruple", je lui aurais dit "non". Dès le mois de Septembre, il faut vraiment être nickel et qu’il n’y ait aucun problème. 

Brian Joubert à Bercy lors du Trophée Bompard au mois de novembre dernier (Photo Florence Lécrivain)

 

6/ Tu as changé de libre au mois de Décembre, le programme était-il plus rodé ici à Los Angeles qu’il ne l’était à Helsinki ?

C’était vraiment limite lors des Championnats d’Europe. Ca ne faisait que deux semaines qu’il était fait, je savais donc pertinemment que ça serait difficile. Entre les deux compétitions, j’ai travaillé dessus, il n’y a pas eu de problèmes. 

7/ Souhaites-tu continuer ta collaboration avec Jean-Christophe Simond, car ces derniers jours Didier Gailhaguet a évoqué ton entraîneur dans des articles. Que voudrais-tu dire sur ce point ?

On est des êtres humains, on fait des erreurs. Didier Gailhaguet souhaite que je parte à l’étranger, que je m’entoure d’une équipe plus professionnelle. Je ne suis pas d’accord avec le président de la fédération française sur ce sujet, mon point de vue est différent. 

8/ Désires-tu rester avec Jean-Christophe Simond avec lequel tu t’entraînes depuis trois ans, ce point est-il encore sujet à discussion ?

Nous devons discuter avec Jean-Christophe. Moi je veux rester en France, il est hors de question que je parte, je veux rester à Poitiers. 

Alain Calmat, Jean-Christophe Simond et Brian Joubert à Tokyo lors des Championnats du Monde en 2007. 19 titres de champion de France sur la même photo ! (Photo BD)

 

9/ Voudrais-tu aller t’entraîner à Champigny avec Annick Dumont ou dans une autre ville ?

Non, je veux rester sur Poitiers. La ville de Poitiers va mettre en place des horaires, des plages d’entraînement beaucoup plus importantes. J’ai mon équilibre dans ma ville. Par contre, il faut que je fasse venir des personnes. Jusqu’à présent par exemple, je n’ai toujours vu le chorégraphe qu’une seule fois au mois de Mai et ensuite plus rien. Il faut que je travaille la chorégraphie plusieurs fois pendant la saison. 

10/ As-tu des idées sur les noms des chorégraphes qui vont intervenir sur tes prochains programmes ?

J’ai des idées, mais tant que ce n’est pas sûr, je ne préfère pas en parler. 

Brian Joubert à Bercy le 4 avril dernier (Photo Florence Lécrivain)

 

11/ Désires-tu changer tes deux programmes pour la saison à venir ?

C’est clair dans ma tête, mais j’en parlerai en temps voulu. 

12/ La France est qualifiée parmi les six meilleures nations pour les Championnats du Monde par équipe qui vont avoir lieu à Tokyo du 16 au 19 Avril. Quel est ton sentiment sur cette compétition ?

Certes, il y a la tournée de l’équipe de France, mais il va falloir s’entraîner et tous les jours faire les programmes. C’est une nouvelle compétition, ça sera la dernière de la saison et cela va être une découverte. De plus, il y aura sans doute moins de stress. Si on veut tenter des choses, je pense que c’est une bonne occasion. Désormais, c’est l’I.S.U qui organise cette compétition, elle a donc maintenant un côté plus officiel et plus sérieux. Il faut faire une bonne prestation, c’est pour l’équipe de France. 

Brian Joubert à Bercy le 4 avril dernier (Photo Florence Lécrivain)

13/ Justement, que penses-tu de cette nouvelle compétition, car elle arrive très tard dans la saison ? Beaucoup de patineurs ne sont pas forcément très motivés. Cette année il y a eu énormément de blessures, c’est une compétition de plus et donc de la fatigue supplémentaire. Crois-tu que c’est trop de la part de l’I.S.U d’avoir rajouté une compétition au calendrier, car celui-ci est de plus en plus chargé ?

Je trouve ça très bien. Après, ce n’est pas forcément le bon moment. Je m’en souviens, j’avais fait une compétition aux Etats-Unis en 2004 une semaine après les Championnats du Monde de Dortmund (ndlr : Le Marshalls World Skating Challenge). J’ai un bon souvenir de cette compétition, on était sur la lancée des mondiaux et nous n’étions pas fatigués. Là, je pense que ces Championnats du Monde par équipe viennent un peu trop tard. Je trouve qu’il aurait fallu que cette compétition soit programmée une semaine après Los Angeles. 

14/ Tu vas retrouver Evan Lysacek et Patrick Chan à Tokyo, souhaites-tu prendre ta revanche ?

Je vais aller sur cette compétition pour faire du mieux possible. Je vais retrouver le champion du Monde et le vice-champion du Monde au Japon. Mon but sera des les battre et de prendre ma revanche. 

Patrick Chan, Evan Lysacek et Brian Joubert à Los Angeles lors de la remise des petites médailles du programme court (Photo BD)

NB : Brian Joubert travaillera avec Laurent Depouilly jusqu’aux Championnats du Monde par équipe, une décision définitive sera prise par la suite. C’est le 5e changement d’entraîneur du poitevin depuis 2003. 

 

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