Florent Amodio, une déception pour mieux rebondir ! (Mondiaux Juniors 2009)

(Propos recueillis par Brice Dequaire)

L’équipe de France à Sofia (Photo Benoît Richaud)

Premier français vainqueur d'une finale junior depuis Vincent Restencourt qui avait remporté cette compétition en 1999, vice-champion de France élite quelques jours plus tard, Florent Amodio était sans aucun doute l'un des favoris pour le titre mondial junior cette année.  
Il aurait été le premier français champion du monde junior dans la catégorie masculine après neuf médailles de bronze et d'argent depuis la création de cette compétition en 1976. Mais la nervosité a rattrapé le jeune homme lors du programme court à Sofia. Son score lors de cette épreuve: 49,80, à plus de 22 points de son record effectué lors du Grand Prix Junior de Sheffield cette saison. Encore quelque peu assommé par cette 19ème place à l'issue du programme court, il n'a pas patiné le libre qu'il aurait voulu faire sur la glace bulgare. Pourtant, tous ses entraînements avaient laissé transparaître une excellente forme, mais la compétition reste la compétition. 
Douzième du libre et quinzième au classement général, cette mauvaise expérience renforcera très certainement le fidèle élève de Bernard Glesser, car parfois derrière certaines désillusions peuvent se cacher des enseignements très précieux pour l'avenir. Dans les travées de la patinoire de Sofia, Florent a accepté de répondre aux questions de Passion Patinage. Un lieu bien connu de Surya Bonaly qui avait remporté son premier titre européen en 1991 dans cette même patinoire.
 
 
1/ Tes entraînements avant le début de la compétition ici à Sofia  étaient excellents, ton échauffement lors du programme court également. Que s'est-il passé sur la première épreuve, car tu étais visiblement très en forme ?
On avait beaucoup travaillé sur le côté technique, tout était réglé, j'avais de très bonnes sensations sur les entraînements, j'ai montré de quoi j'étais capable. J'ai réalisé un très bon échauffement avant le programme court, je suis passé 5ème de mon groupe et je pense que j'ai mal géré le temps d'attente entre les six minutes et mon programme. Je n'ai pas gardé la pêche et l'attaque que j'aurais dû avoir pour entamer la compétition. Je pensais faire mon boulot, mais au fond de moi-même avec le recul, je me suis rendu compte que je n'étais pas dedans.
 
 
2/ Le problème que tu as ressenti, était-il physique ou psychologique ? Quel est l'élément qui t'a déstabilisé, est-ce que ce nouveau statut après ta victoire lors de la finale t'a posé problème ?

Florent Amodio avec Bernard Glesser après son programme libre à Sofia (Photo BD)

Quand je suis arrivé ici, je ne voulais pas y penser. Bien sûr, quand on arrive dans ce contexte, on voit que tout le monde regarde. Je voulais rester concentré, j'étais confiant, c'est le physique qui a lâché après l'attente avant mon programme court. Je ne suis pas resté actif après les six minutes et de là, j'ai perdu le fil de la compétition.  
Quand je suis rentré sur la glace, j'étais comme sur des oeufs, je n'étais pas à fond dedans. J'ai posé une main sur le deuxième triple de la combinaison (ndlr: triple Salchow-triple boucle piqué) et ensuite c'était des refus, des faux départs (ndlr: simple Axel et double Lutz). 
Pour finir, j'ai chuté sur la préparation d'une pirouette. Mais quand on vient pour être champion du Monde ou pour faire un podium et que l'on se retrouve avec un score minable comme celui-ci, c'est difficile de rester concentré après de telles erreurs. 
 
 
3/ As-tu réussi à digérer cette déception avant d'entamer le programme libre ?
C'était des moments assez dur, j'ai eu beaucoup d'aide de personnes très proches, les gens m'ont soutenu. Cela a été très bénéfique pour moi, car je voulais quand même essayer de sauver les meubles. Toute la compétition est à oublier, même si j'ai appris des choses pour arriver à mieux gérer ce genre de situation à l'avenir. Lors du programme libre, je n'ai pas refait l'erreur du programme court, je suis resté actif entre l'échauffement et mon programme. C'est vrai, mon long est bof, mais au fond de moi-même, quoi qu'on dise, je reste content parce que j'ai attaqué tous mes sauts, j'étais dans la glace, je dirigeais. Bien sûr, en passant dans le premier groupe du libre, ce n'est plus la même motivation et le programme court a été l'élément déclencheur. J'ai vécu des choses extraordinaires lors de la Finale en Corée, c'est un mauvais moment ici, mais on va faire le point pour que cela soit constructif et positif.

Florent Amodio à Sheffield lors de sa première victoire en Grand Prix Junior au mois d’octobre dernier (Photo BD)

 
 
4/ Tu vas enchaîner avec les Championnats de France Juniors dans ta patinoire du 13 au 15 mars, comment comptes-tu rebondir après Sofia ?
On va tirer le maximum d'enseignements de cet échec, il faut que je retrouve la motivation. A chaud, c'est difficile, mais cela n'efface pas ce que j'ai fait avant. J'ai de belles choses à faire, je sais que j'en suis capable. J'accuse un peu peu le coup là, le programme libre était hier, il faut que je me retrouve moi-même pour repartir (ndlr: Florent Amodio est le champion de France junior en titre).
 
 

Florent Amodio à Besançon lors de ses premiers championnats de France élites en décembre 2005 (Photo BD)

5/ Cette année, les Championnats de France Juniors ont été programmés après les Championnats du Monde. Cette programmation est un peu curieuse, quelle est ton opinion sur ce point ?
Oui, c'est vrai, ce calendrier est assez bizarre. En plus, les championnats de France juniors ne servent même plus de qualification pour les Mondiaux. Cependant, j'ai un grand plaisir à les faire car la compétition va se dérouler chez moi, dans ma patinoire à Cergy (ndlr: Florent Amodio avait fait ses premiers championnats de France juniors à Cergy en 2005).  Mais je dois avouer que c'est la seule raison pour laquelle que je vais participer à ce championnat. Si la compétition avait eu lieu ailleurs, je ne pense pas que je l'aurai faite. Ensuite, il va me falloir du repos pour décompresser, mais avant, je vais essayer de retrouver mes sensations à Cergy.
 
 
 
6/ Certains responsables de la Fédération Française voudraient te voir changer d'entraîneur. Que voudrais-tu dire sur ce sujet, puisque tu es le premier concerné ?
Bernard Glesser restera mon coach. Je suis tout à fait ouvert, je veux bien avoir des aides extérieures, mais je garderai Bernard, c'est impossible pour moi de changer. C'est une relation qui est trop forte. Je suis avec lui depuis que je suis tout petit, il me connait par coeur. Je ne peux pas briser cette complicité ! 
 
 

Florent Amodio avec Bernard Glesser lors du Grand Prix Junior de Sheffield au mois d’octobre dernier (Photo BD)

7/ Comment perçois-tu ces remarques insistantes qui viennent de la Fédération ?
Ok, j'ai raté cette compétition, mais justement c'est dans ces moment que j'ai vu qu'il était là. Je ne vois pas l'intérêt de changer de coach, mais encore une fois, je veux bien que d'autres personnes interviennent dans mon entourage. J'ai fait deux stages avec Alexei Urmanov (ndlr: Champion Olympique en 1994). Il y a sûrement des choses à changer et à améliorer, il faut discuter. Quand on est sorti de la Finale Junior en Corée, personne ne disait qu'il fallait que je change d'entraîneur. On va traverser ces moments, il ne faut pas tout remettre en cause. (ndlr: Bernard Glesser est le premier français à avoir réussi un triple Axel)
 
 
 
8/ Très souvent les journalistes évoquent tes origines brésiliennes (ndlr: Florent Amodio a le passeport brésilien et le passeport français). Tu avais clairement répondu à une question sur ce point lors de la Finale du Grand Prix. Pour qu'il n'y ait plus d'interrogation et d'ambiguïté sur ce sujet, comptes-tu un jour représenter le Brésil, car il y a énormément de changements de nationalité depuis plusieurs saisons ?
Je souhaite représenter la France, c'est mon pays. Il n'y a aucun doute dans mon esprit sur ce propos.
 
(ndlr: Six patineurs d'origine française patineront pour d'autres pays lors des prochains Championnats du Monde à Los Angeles : Mikael Redin pour la Suisse, Joffrey Bourdon et Sonja Mugosa pour le Monténégro, Samuel Contesti et Yannick Kocon pour l'Italie et Mérovée Ephrem pour Monaco)
 
 

Florent Amodio lors des championnats de France Elite de Colmar au mois de décembre dernier (Photo Florence Lécrivain)

9/ Tu as beaucoup progressé cette saison, notamment sur la régularité, tu as obtenu de très bons résultats. C'est ta dernière année junior, quels sont tes projets pour la saison à venir chez les seniors avec les Jeux-Olympiques ? Souhaites-tu aller à Vancouver ?
Oui bien sûr, c'est un objectif, surtout si Yannick et Brian ramènent trois places à Los Angeles pour les J.O. On va bosser le quadruple, il va arriver, c'est sûr. Je vais peut-être le tenter lors des Championnats de France Junior de Cergy. Je suis plus à l'aise sur le quad Salchow par rapport au boucle piqué. Les Jeux Olympiques, c'est un objectif que je peux me fixer au jour d'aujourd'hui, j'en suis conscient !
 
 
 
 
 
10/ Tu nous as parlé de tes stages avec Alexei Urmanov, vas-tu refaire des stages de ce type et avec qui ?
Rien n'est encore prévu, mais il est vrai que ces stages ont été très bénéfiques. C'est très positif d'avoir d'autres visions pour évoluer, j'espère renouveler ces expériences.
 

Florent Amodio lors des Master’s d’Orléans au mois d’octobre dernier (Photo Florence Lécrivain)

11/ Est-ce que tu as déjà des idées pour tes programmes de la saison à venir et pour les musiques ? Vas-tu travailler avec des chorégraphes ?
On a des idées, c'est tout frais. Il y a déjà une chose qui est décidée, mon programme court la saison prochaine sera sur du hip-hop. Je voudrais beaucoup que Stanick Jeannette intervienne (ndlr: Stanick Jeannette a été formé par Bernard Glesser avant de changer d'entraîneur). Je souhaite changer les deux programmes, je veux repartir tout neuf pour ma première saison sénior et faire le maximum. Nous allons prendre notre temps pour choisir deux musiques qui me conviennent. 
 
 

Florent Amodio et Maé-Bérénice Méité lors des Master’s d’Orléans au mois d’octobre dernier. Non non rassurez-vous, Maé et Florent ne vont pas changer de discipline ! (Photo BD)

12/ Est-ce que ta qualification d'office pour les Mondiaux par équipe à Tokyo du 16 au 19 avril est sûre et certaine, car la fédération a fait cette annonce te concernant ?
J'ai cru comprendre qu'elle était définitive. Il faut déjà que la France soit dans les six premières nations pour être qualifiée. Je vais me tenir prêt. On fera très attention l'année prochaine, car la saison commencera plus tôt que d'habitude avec les Master's mi-Septembre à Orléans. Nous allons adapter la préparation en fonction de cela. La saison 2008-2009 a été très chargée et il y aura les J.O en plus en 2010, je l'espère en tout cas, je vais tout faire pour. Pour le moment, je suis encore dans le contre-coup de cette contre-perf ici à Sofia.
 
Je suis un battant, je ne vais pas me laisser abattre, je vais retrouver le sourire !

 

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