Romain HAGUENAUER: Interview exclusive

 

PassPat : Romain, tu rentres tout juste du Skate America, quel bilan en fais-tu ?
R.H: Et bien j’en tire un bilan extrêmement positif. Nathalie et Fabian ont réalisé une compétition parfaite à ce stade de la saison. Non seulement ils ont pour la première fois devancé largement sur tous les segments le couple italien, mais ils se sont placés à quelques encablures de Belbin/Agosto. En danse Originale, 5 juges les ont même mis premiers ! 
Il reste néanmoins du travail sur les quelques éléments techniques qui n’ont pas été crédités du niveau 4, l’objectif étant bien sûr de se classer au même rang à la Coupe de Russie afin  d’accéder à la Finale du Grand Prix qui se déroulera à Turin au mois de Décembre.
 
PassPat : Depuis quand entraînes-tu et comment es-tu arrivé là?
R.H: J’ai fêté cet été mes 10 ans en tant qu’entraîneur, déjà ! Je suis lyonnais d’origine et j’ai toujours patiné sur la patinoire Charlemagne. Ma sœur Marianne a été ma partenaire durant une dizaine d’années mais à cause d’une très grave blessure au dos elle a du mettre un terme à sa carrière de patineuse à l’âge de 17 ans. Me retrouvant alors seul, j’ai très vite pris la décision de me tourner vers l’entraînement. J’étais alors étudiant en Licence STAPS pour préparer le concours de Professeur d’EPS et je ne voulais pas me délocaliser  pour tout reprendre à zéro avec une nouvelle partenaire. Bien m’en a pris puisque ma collaboration avec Muriel, qui était depuis toujours mon entraîneur, a tout de suite bien fonctionné. Devenu Cadre d’Etat à la FFSG après avoir enseigné un an l’éducation physique dans un collège lyonnais (les journées étaient bien longues en plus des 5 heures d’entraînement à la patinoire!), nous avons beaucoup travaillé pour faire du centre de Lyon un des meilleurs Pôle d’entraînement de Danse sur Glace au monde.
 
PassPat : Comment vous partagez vous le travail avec Muriel (BOUCHER-ZAZOUI NDLR) ?
R.H: Je ne peux pas vraiment parler de partage. Nous travaillons l’un et l’autre sur tous nos couples à 50/50 autant le côté technique que le côté artistique. Nous sommes tous deux entraîneurs et chorégraphes mais jamais entre nous il n’y a de désaccords en ce qui concerne une décision à prendre. Nous avons exactement la même vision artistique et technique de la danse sur glace. Avec bien sûr nos caractères et nos sensibilités propres, nous donnons à chacun  tous les ingrédients pour réussir.  
 
Passpat : Vous entraînez les 3 meilleurs couples français. Comment gérez vous cela ? Y a-t-il des rivalités entre eux ?
R.H: Chacun de ces trois couples est extrêmement talentueux. Ils ont tous trois leurs propres personnalités sur la glace et c’est dans ce sens que nous travaillons. Personnellement je m’investis autant dans mon travail qu’il s’agisse d’Isabelle et Olivier, Nathalie et Fabian,  Pernelle et Mathieu ou de couples plus jeunes en devenir. Même s’il y a évidemment des rivalités entre ces sportifs de haut niveau, l’inverse serait plutôt inquiétant, au quotidien sur la glace, cela crée une émulation positive qui les pousse les uns les autres à être plus performants.
 
PassPat : On parle beaucoup de la « relève » chez les juniors. Qui devons nous suivre tout particulièrement ?
R.H: Le collectif junior est cette saison d’un bon niveau. Ce qui est surtout intéressant à mon sens c’est le nombre de couples. C’est au sein d’un collectif nombreux et de bon niveau qu’émergeront sans doute dans l’avenir un ou deux couples de talent capables d’accéder au plus haut niveau mondial Senior. A Lyon, nous avons une vision à long terme des carrières. Les 4 couples juniors que nous présentons cette saison sont tous talentueux mais il est très difficile de dire aujourd’hui qui sera le patineur de demain. Outre le travail de formation inévitable, nous les conditionnons à avoir une visée plus lointaine que celle des Championnats de France ou même des Championnats du Monde Junior même si ces étapes restent évidemment des objectifs formateurs. Ils doivent devenir des professionnels dans leur approche de l’entraînement.
 
Passpat : On critique souvent la « suprématie » de l’école de Lyon en France. Comment réagis tu à cela ?
R.H: La critique est ni plus ni moins l’hommage que la jalousie nous rend !(rire) Les résultats que nous obtenons sont le fruit et uniquement le fruit de notre travail et de notre ouverture d’esprit sur l’extérieur. Malgré ce que l’on peut entendre à droite et à gauche, nos conditions d’entraînement sur Lyon ne sont pas plus favorables qu’elles ne le sont ailleurs en France. Nos patineurs sont scolarisés de la même façon qu’un élève lambda et les contraintes horaires de la patinoire entre séances scolaires et publiques tout aussi difficiles. Nous avons formé la majorité de nos couples et faisons notre maximum pour leur donner à chacun les chances d’accéder à leur meilleur niveau. Cette « suprématie », même si elle fait plaisir n’est pas du tout visée. La concurrence est toujours souhaitable pour aller de l’avant, pour se remettre en question et je suis toujours très attentif à ce que les autres entraîneurs français proposent. 
 
PassPat : Des champions d’Europe, des champions du monde et des champions Olympiques, que pensez-vous apporter de plus pour avoir de tels résultats ?
R.H: C’est difficile à dire mais je pense que les qualités de technicien ne sont pas suffisantes à cela. Pour atteindre le top avec des patineurs qui sont devenus adultes il faut être à la fois entraîneur, coach et manager ! Il faut avoir une vision à la fois technique, psychologique et stratégique de l’entraînement et des choix à effectuer. Aujourd’hui, ce travail ne peut se réaliser qu’en équipe. Muriel et moi-même formons le noyau dur mais nous allons toujours chercher ailleurs des intervenants spécialistes dans les domaines de la danse, la chorégraphie, le théâtre, la préparation physique… pour apporter du sang neuf  à notre travail. Nous sommes très exigeants avec nos patineurs et voulons leur apporter ce qu’il se fait de mieux.
 
PassPat : Quels sont tes objectifs pour cette saison ?
R.H: Pour chacun de mes couples, j’ai des objectifs de performance et de résultats que je partage avec eux. Je souhaiterais qu’ils patinent à chaque compétition au top de leur forme et qu’ils se placent au rang le plus haut que leur niveau permet.
Sinon, il est évident que je vise le titre Européen et Mondial pour Isabelle et Olivier, que je vise également des places proches des podiums européens et mondiaux pour Nathalie et Fabian et Pernelle et Mathieu.
 
PassPat : tu te vois où dans 10 ans ?
R.H: Je ne sais pas du tout mais certainement pas trop loin d’une patinoire. Je ne suis pas trop du genre à me projeter dans l’avenir. Pour le moment, je me sens bien là où je suis et avec ce que je fais donc on verra…
 
PassPat : Connaissais-tu le site de Passion-Patinage avant cette interview ?
R.H: Oui, bien sûr. J’aime bien me tenir au courant de ce qui se passe ou de ce qui se dit dans le monde du patinage. J’aime bien aussi lire les retours et les impressions que le public a sur les programmes de mes couples. C’est parfois très instructif et quelquefois je trouve confirmation sur des doutes que j’ai sur un costume, une manière d’interpréter ou sur un élément du programme. 
 
PassPat : Une dernière question. Si on vient te parler à Bercy  pour le Bompard…est ce que tu vas nous mordre ?
R.H: J’attends toujours ma première victime ! (rire)

Leave a Reply