Brian Orser et Yu-Na Kim (1ère partie)

Juste avant l'entrée en piste de Yu-Na Kim, favorite de la compétition féminine, retrouvons son entraîneur, Brian Orser, le temps d'une interview réalisée en automne dernier lors du Trophée Eric Bompard.


Vous étiez un patineur très talentueux … Comment vous êtes-vous retrouvé entraîneur d'une des meilleurs compétitrices de la planète ?

La vie est pleine de virage. En 1988, j'avais 26 ans et je prenais part à ce qui était mon objectif principal, mon rêve : les Jeux Olympiques. J'y ai remporté la médaille d'argent, comme aux championnats du monde qui ont suivi. Premier tournant, je suis passé pro à la fin de cette saison là. Ca a duré 16 ans, c'est passé très vite en fait ! J'ai adoré cette période. On voyage beaucoup, il y a aussi une sécurité financière qui est assez agréable, et j'ai eu la chance de pouvoir continuer jusqu'à 40 ans. Mais je suis arrivé en 2002 à un autre tournant : mon corps me criait 'stop', mon coeur n'y était plus vraiment. Alors, j'ai raccroché les patins.
On m'a rapidement offert un poste à Toronto dans le cadre d'un programme d'entraînement. J'étais un peu hésitant, mais je me suis lancé. J'ai dû retourner à l'école pour préparer mes diplômes d'entraineur, j'ai appris beaucoup de choses sur la biomécanique, la psychologie, la planification, tous les outils dont un coach a besoin. Et très vite, on m'a proposé d'entraîner Yu-Na Kim, qui sortait tout juste des rangs juniors. C'était une très grande responsabilité, mais on m'a fait confiance pour qu'elle puisse se développer.
Tout s'est passé au bon moment. J'ai arrêté ma carrière au bon moment, puis j'ai quitté les rangs pro au bon moment, j'ai commencé à entraîner et à devenir coach au bon moment. Le timing est parfait. Je me sentais prêt pour le faire, et j'étais très motivé pour ça.

Vous étiez un très bon patineur, mais est-ce que vous pensiez être un bon coach ?
Déjà, quand on me demandait si je voulais devenir entraîneur, je répondais toujours 'non' ! Je n'avais aucune idée que je le deviendrais un jour. C'est un job à plein temps, toute l'année ! Quand on est pro, on a tout l'été de libre, c'est agréable d'avoir 2-3 mois pour soi. Maintenant, c'est au maximum quelques week-ends…

Alexeï Yagudin s'est essayé au métier d'entraîneur, mais il n'a pas persévéré, il trouvait notamment que c'était beaucoup trop frustrant d'être derrière la barrière et de ne rien pouvoir faire…
Pour moi, c'est plutôt mitigé, entre oui et non. Quand la barrière se referme, mes patineurs (notamment Adam Rippon et Yu Na Kim) sont tout seuls, mais pendant les entraînements ils travaillent beaucoup, donc je suis très confiant, ils sont très sûrs.

Quand vous écoutez une musique qui vous plait beaucoup, est-ce que vous avez un regret de ne pas l'avoir utilisée dans un de vos programmes ?
Non, mon passé de patineur est derrière moi, les années pro ne manquent pas, c'est une page qui s'est tournée. Mais j'essaie toujours de trouver de très belles musiques pour mes élèves, et quand ils patinent dessus, je suis avec eux sur la glace, je vis le programme à travers eux.

Brian Orser explique un point technique lors de la conférence de presse du court messieurs.

Yu Na Kim et Adam Rippon, en tant que premiers élèves, c'est pas mal, non ?
J'ai aussi d'autres patineurs plus jeunes ! J'ai commencé dans un programme d'entraînement, donc j'avais de tout : des patineurs vraiment jeunes, ceux qui patinent avec leur casque, jusqu'aux adultes ! A chaque fois, la manière d'expliquer est très différente, il faut adapter son langage. J'apprends beaucoup par exemple quand j'entraîne des adultes, car ils sont très demandeurs d'explications, ils sont très motivés. Je peux leur expliquer les choses précisément, avec un vocabulaire élaboré, alors que pour les enfants, j'utilise des notions plus simples.
Et ne me croyez pas si vous ne le voulez pas, mais parfois c'est bien aussi d'entraîner quelqu'un d'autre que Yu-Na !  En ce moment, j'ai 4 patineurs internationaux, dont une patineuse qui vient de terminer 3ème à un Grand Prix Junior ce week-end.

Vous faites partie de la génération de patineurs qui ont dû apprendre les figures imposées, parfois assez rébarbatives. Est-ce que maintenant en tant que coach vous continuez à les enseigner ?
Les figures imposées, c'était ennuyeux, c'est vrai. Je devais m'entraîner 4 heures par jour juste pour ça. Mais c'est de cette façon que le corps apprend les tours, les carres, la pureté technique. Tous les muscles, même les plus petits, travaillent. Il y avait beaucoup moins de blessures à l'époque comparé à maintenant, d'autant que le nouveau système rend les suites de pas et les pirouettes beaucoup plus exigeantes. Pour ma part, je continue à enseigner les figures imposées, mais pas de la façon ennuyeuse, avec le compas sur le glace ! On fait ça en musique, avec du rythme, en groupe … les adultes plus particulièrement sont très demandeurs pour avoir de bonnes carres.

2ème partie

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