Thierry Cérez, un entraîneur heureux (1/2)

C’est avec un très grand plaisir que nous avons retrouvé Thierry Cérez aux championnats d’Europe à Bratislava, en tant que coach du patineur néerlandais Thomas Kennes. L’occasion de faire le point sur ses carrières de compétiteur et d’entraîneur.

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Pour vous rafraichir la mémoire, Thierry Cérez a toujours été connu pour sa très grande fiabilité technique sur les triples sauts. Sa première apparition télévisée en France doit être en 1994 lors de sa participation au Grand Prix International de Saint Gervais, lorsqu’il patinait dans sa tunique noire et rouge sur la musique de ‘La famille Adams’… avec à la clef le titre (et un prodium 100% français avec Gabriel Monnier et Francis Gastellu). Très bon junior, il est vice-champion du monde en 1995 derrière le futur champion olympique Ilia Kulik. En sénior, il monte sur son premier podium national en 1994 ; éternel dauphin d’Eric Millot et de Philippe Candeloro, il réussit à remporter le titre national en 1998. Il atteint la 14ème place européenne à Copenhague en 1994 et à Milan en 1998, et la 12ème mondiale à Edmonton en 1996.

 

Ma dernière compétition… ça doit être les championnats de France à Grenoble de la saison 2001-2002. C’est après cette compétition d’ailleurs que j’ai décidé d’arrêter ma carrière : en 1994 j’ai été sélectionné pour les championnats d’Europe en battant Nicolas Pétorin, plus âgé que moi, aux championnats de France. A Grenoble, c’est moi qui me suis fait battre par un tout jeune patineur appelé Brian Joubert… La roue tournait, ce n’était pas la peine d’insister. Sur le court, je passe triple Axel-triple boucle piqué, et je suis 3eme derrière des patineurs qui ne font que triple-double ; le libre ensuite était moyen. A l’inverse de Florent Amodio, je n’ai pas décidé d’arrêter à l’avance, en choisissant ma dernière compétition, mais le constat s’est imposé de lui-même. Quand il n’y a plus trop d’espoir, ce n’est pas la peine de faire la saison de trop. D’un autre côté c’est dur d’arrêter au top, quand on est au mieux de sa forme. Personnellement je suis content quand même d’être revenu cette année-là car la saison d’avant j’avais été blessé, et je ne voulais pas terminer dans ces conditions.

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(le Kiss and Cry à Grenoble)

J’ai atteint au court de ma carrière un niveau inespéré, surtout qu’au début c’est ma sœur qui a été détectée. Et comme mes parents faisaient les aller-retours à la patinoire, le plus simple était que je patine aussi. J’ai commencé très tard, à 14 ans je ne passais toujours pas le double Axel. Ensuite, tout est allé très vite. Je suis sélectionné pour les championnats d’Europe où je termine 7eme du court, je ne pensais même pas que ça pouvait être possible. J’ai fait 3 championnats d’Europe, 2 championnats du monde, 2 championnats du monde junior avec de l’argent au bout. Vraiment, je ne regrette rien.

J’étais surtout connu pour être une vrai machine sur les sauts, c’est sûr que je ne ratais pas grand-chose ! Mais bizarrement, avec le même contenu technique, Ilia Kulik terminait toujours devant moi sur les grands rendez-vous… Je crois que c’est Sophie Moniotte qui m’a dit un jour ‘regarde, c’est normal, quand tu fais 5 croisés avant ton triple Axel, il n’en fait que 2…’. C’est sûrement dû au fait d’avoir commencé tard, je pense que la technique de base, la glisse la plus pure, on la travaille très tôt et on la maîtrise, ou alors on court toujours après en travaillant très dur.

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(programme court Grenoble)

En tout cas une fois la décision prise de raccrocher les patins, quel soulagement ! Le public ne réalise peut-être pas ce que les entraînements, la vie d’athlète de haut niveau demandent comme condition physique et comme investissement. Les patineurs sont aussi très encadrés, pas forcément responsabilisés, on est souvent dans un petit cocon… la transition n’a pas été simple. Mais j’avais déjà l’envie d’entraîner ! Mes parents avaient insisté pour que je passe mon bac, sans le bac ils se seraient opposés à ce que je continue le patinage ; un moyen de garder les pieds sur terre aussi…

 

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(la patinoire de Franconville)

La situation a évolué rapidement à ce moment-là : j’avais déjà donné des cours dans mon club de toujours, Franconville, mais Bercy m’a appelé pour que je rejoigne l’équipe des Français Volants. J’avais déjà mon BE 1, j’ai pu y passer mon BE2, ce qui permet de faire des stages d’été. Parmi mes élèves d’alors, il y avait par exemple Pierre Souquet, ou Christopher Boyadji, que j’aurai bien aimé revoir à Bratislava, mais il s’est séparé d’avec sa partenaire en couple juste avant, c’est dommage.

Mais bon, tout allait très vite, trop vite peut-être, c’est comme si ma route était déjà toute tracée…. Et j’ai eu un déclic : quitter Paris, et s’extraire de ce monde où vous êtes tout le temps jugé, sur vos performances ou sur celles de vos élèves. J’avais beaucoup voyagé, sans jamais trop profiter des pays et des villes où j’allais.

J’ai donc décidé de faire des shows. C’est une vie complètement décalée également, une vie de nomade, en total déconnection avec le monde du patinage français. Pas de pression, juste du plaisir. J’étais un patineur très technique, pas forcément connu pour mon côté artistique ou mes capacités à me projeter vers le public; les show m’ont apporté tout ça, et j’ai pris énormément de plaisir à donner des émotions au public. On ne patine qu’à 10% de ses capacités, et alors ? Quand les numéros deviennent un peu redondants, on se lance des petits défis, je faisais à un moment 7 triple boucle piqués d’affilé. Mais un autre patineur m’a fait remarquer que le public ne réalisait pas la difficulté de la chose. Il m’a conseillé de plutôt ne faire qu’un double, tout près du bord de la piste, de faire semblant de tomber en dehors de la glace, et de me rétablir au dernier moment en montrant que tout est sous contrôle : ça a payé, le public applaudissait encore plus !

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(programme libre Grenoble)

C’est ce qui est vraiment très plaisant dans le monde professionnel : en compétition on vous juge sur vos faiblesses, ici on demande de montrer tout ce que tu sais faire de mieux. J’ai donc patiné dans des show pendant 7 ans, à Holiday on Ice, dans des tournées comme celle de Candeloro, sur les bateaux (ndlr : des bateaux de croisières dans les caraïbes possèdent une petite patinoire), de 28-29 ans à 35-36 ans.