Amérique du Nord
Si Patrick Chan a remporté de justesse un troisième titre mondial d'affilée, il n'a pas dominé la saison comme la précédente. Battu au Skate Canada puis à la finale du Grand Prix, laborieux lors de son championnat national, il a eu des difficultés à stabiliser le quadruple boucle piquée et le triple Axel tout en commettant régulièrement des erreurs sur des triples sauts à priori moins difficiles. Il a réalisé un programme court remarquable aux Mondiaux de London mais est retombé dans ses travers sur le programme libre : sa qualité de glisse et la réussite sur des tentatives de quadruples sauts lui permettent cependant de conserver son avance et de s'imposer à domicile.
Chan conserve donc une certaine marge sur ces adversaires et son patinage adapté au système de points est toujours autant valorisé par ces juges. Ce n'est cependant pas suffisant pour être à l'abri à moins d'un an des Jeux et la concurrence devrait encore progresser. Le titre olympique est son principal objectif et il devra retrouver une régularité plus importante, même si son expérience des grands rendez-vous et sa confiance reste un atout essentiel.
Le patinage canadien a également été soutenu par Kevin Reynolds qui a réalisé la meilleure saison de sa carrière. Moins pénalisé par les sous-rotations et plus ambitieux, il a rivalisé avec Chan sur le libre du championnat national avant de remporter à la surprise générale les Quatre Continents. Il a ensuite terminé sur le podium du court aux Mondiaux mais n'a pu confirmer sur le libre : sa cinquième place finale est tout de même une immense satisfaction alors qu'il n'avait jamais figuré parmi les dix premiers. Il faut cependant s'interroger sur sa marge de progression, tant ses lacunes artistiques sont importantes : Reynolds a corrigé certaines faiblesses mais la composition de ses programmes est toujours défaillante et il n'a guère le droit à l'erreur sur le plan technique. Troisième patineur canadien aux Mondiaux, Andrei Rogozine a pris la treizième place grâce à un solide programme libre. L'ancien champion du monde junior progresse sur les sauts mais semble limité par la raideur d'un patinage trop mécanique.
Le bilan des Etats-Unis est dans l'ensemble frustrant même si la relève semble peu à peu trouver sa place. Jeremy Abbott, champion national l'an passé, a connu une saison très difficile marqué par des problèmes physiques (dos). Second du trophée Bompard, il échoue à quelques points d'une sélection aux Mondiaux avec beaucoup de regrets : en échec sur le quadruple saut, toujours en difficulté sur la seconde partie de son programme libre, il n'a pu valoriser ses qualités artistiques et expressives d'où une importante frustration. La saison olympique sera certainement la dernière de sa carrière et il aura à coeur de partir en beauté. Une sélection à Sotchi est évidemment accessible s'il retrouve une condition physique et des certitudes.
En son absence, Max Aaron, surprenant champion national, a pris une belle septième place pour ses premiers Mondiaux. Patineur puissant, il construit ses programmes autour des difficultés techniques (deux quadruples Salchow d'entrée) afin de combler ses lacunes sur la note de composantes. Avec également une quatrième place aux Quatre Continents, il a enchaîné les compétitions avec beaucoup de réussite, ce qui lui permet d'espérer confirmer la saison prochaine. Il devra tout de même soigner davantage la structure de ses programmes.
Ross Miner, second du championnat américain, n'a pris que la quatorzième place des Mondiaux et fait moins bien qu'en 2011. Il a introduit le quadruple sur son libre sans beaucoup de réussite et manque de conviction dans l'interprétation des programmes. Suite à ces performances, les Etats-Unis ne disposeront que de deux places pour Sotchi et la concurrence sera rude : Joshua Farris et Jason Brown, respectivement premier et second des Mondiaux Junior, ont les qualités pour rivaliser avec les patineurs actuellement en senior, alors qu'un retour du championnat olympique Evan Lysacek est toujours envisagé.
Asie
Les patineurs japonais ont largement dominé la saison des Grand Prix mais ne figurent pas sur le podium mondial. Yuzuru Hanyu, révélé au plus haut niveau la saison passée, a alterné des prestations excellentes et décevantes. Souvent brillant sur le programme court, il prend la seconde place de la finale du Grand Prix avant de remporter son championnat national. Aux Mondiaux, il échoue cependant sur le court avec des erreurs grossières, et une excellente prestation sur le libre lui permet de prendre une quatrième place frustrante. Extrêmement talentueux, il connait encore des problèmes d'endurance et la chorégraphie de ses programmes a pu décevoir. Il sera un candidat au podium olympique à Sotchi s'il parvient encore à affirmer une progression tout en conservant ses points forts.
Daisuke Takahashi, second des Mondiaux en 2012, a lui aussi effectué une saison inégale. Vainqueur de la finale du Grand Prix, auteur d'un splendide libre lors du championnat national même s'il doit se contenter de la seconde place, il a déçu sur les compétitions majeures, avec une septième place aux Mondiaux précédée d'une sixième place aux Quatre Continents. En difficulté systématique sur les sauts, il a semblé en retrait par rapport à l'année précédente et moins investi dans ses programmes. La prochaine saison sera aussi sa dernière et il va lui falloir retrouver un élan pour montrer son meilleur niveau.
Takahito Mura a obtenu une excellente huitième place pour sa seconde sélection aux Mondiaux. Après un succès au Bompard, un podium lors du championnat japonais lui a permis de conforter sa position dans la hiérarchie nationale. Il lui faudra confirmer à l'automne pour espérer une sélection olympique. Tatsuki Machida a connu un début de saison remarquable avec une première victoire en Grand Prix, mais s'est effondré lors du championnat national. Nobunari Oda, de retour de blessure, cherche encore des sensations et reste limité. Enfin, Takahiko Kozuka s'est qualifié pour la finale du Grand Prix mais une blessure l'a empêché de briller par la suite.
Le patinage chinois est aussi en progression même si la quinzième place de Nan Song n'est pas forcément valorisante. La troisième place aux Quatre Continents d'Han Yan, champion du monde junior en titre, est davantage significative et les deux patineurs devraient se disputer la sélection olympique.
Le Kazakh Denis Ten réalisait une saison quelconque avant de s'aligner aux Mondiaux. Sa seconde place à London n'est pas une surprise par rapport à son potentiel (il était huitième des Mondiaux 2009, à seize ans) mais représente un accomplissement attendu depuis longtemps. Patineur polyvalent, il doit désormais trouver une stabilité au plus haut niveau pour que cette performance ne reste pas sans lendemain.
Europe/France
Brillant l'an passé mais en difficulté sur les grands championnats, Javier Fernandez a cette fois-ci confirmé l'étendue de son talent. Vainqueur de son premier Grand Prix au Skate Canada, il remporte par la suite le championnat d'Europe avant d'obtenir un premier podium mondial avec une troisième place. Impressionnant par sa capacité à enchaîner les difficultés techniques (trois quadruples lors du programme libre), il est tout aussi convaincant dans l'interprétation de ses programmes et s'affirme comme un patineur complet. L'échéance olympique sera une motivation supplémentaire et il arrive à maturité.
Le patineur tchèque Michal Brezina obtient son premier podium international avec sa troisième place aux championnats d'Europe. C'est une récompense logique même si sa dixième place aux Mondiaux est ensuite une déception. Il reste encore en retrait sur le plan artistique et manque de fiabilité sur ses difficultés techniques (notamment le quadruple Salchow). Son compatriote Tomas Verner a par contre réalisé une quasi saison blanche et connait une fin de carrière malheureusement décevante, en espérant un hypothétique sursaut dans quelques mois.
Le patinage russe a traversé la saison sans véritable leader. Evgeni Plushenko, attendu aux championnats d'Europe en tant que tenant du titre, a déclaré forfait sur blessure après le programme court et n'a plus disputé de compétitions depuis. Sa motivation est tout de même intacte pour la saison olympique et son expérience plaide en sa faveur. Konstantin Menshov a réalisé un début de saison solide mais a été écarté des grandes compétitions malgré une troisième place au championnat russe. Maxim Kovtun, vainqueur du Grand Prix Junior et patineur d'avenir a été privilégié : la pression a tout de même été très forte et s'il prend une cinquième place encourageante aux Euros, il déçoit aux Mondiaux en ne prenant que la dix-septième place. La Russie n'aura qu'un quota olympique à Sotchi ce qui représente forcément une déception.
Florent Amodio a connu encore une fois des hauts et des bas. Après une saison de Grand Prix difficile (malgré un podium au Bompard), un titre national sans la manière et un changement de programme court, il a réalisé une remarquable performance aux Euros avec une seconde place. Il figure sur le podium pour la troisième saison d'affilée ce qui est la marque d'une constance dans l'effort et d'une capacité à briller lors des grandes échéances. Il a cependant semblé chercher une motivation lors des Mondiaux et se contente de la douzième place. Ses qualités d'interprétation, son enthousiasme doivent encore être soulignées mais il faut espérer qu'il puisse se renouveler pour la saison olympique afin de mettre davantage en valeur ses qualités artistiques. Florent doit encore pouvoir exploiter son potentiel.
Brian Joubert a su à nouveau se relancer après un automne laborieux : Quatrième au Bompard puis forfait au championnat de France, il prend la quatrième place aux championnats d'Europe avec un excellent programme court. Il réédite cette performance aux Mondiaux et sa cinquième place sur le court lui permettait de viser un podium. Dans ces conditions, la neuvième place finale est une légère frustration et il peut regretter encore une fois une inadaptation de son programme et de son patinage avec les exigences du CoP. Brian sait cependant se faire plaisir et c'est de cette manière qu'il doit envisager la saison olympique, afin de refouler de mauvais souvenirs et de terminer une grande carrière de la meilleure des manières.
Derrière Amodio et Joubert, la relève ne s'est pas affirmée. Chafik Besseghier a pris la seconde place du championnat de France puis la neuvième places des Euros, sans cependant améliorer ses performances de manière significative. Il reste trop limité sur la note de composantes et manque de confiance sur le quadruple saut. Romain Ponsart, troisième du championnat de France, a enchaîné les compétitions après une saison perturbée par les blessures : il a enfin réalisé les minimas pour les Mondiaux mais ses performances restent excessivement inégales. En conséquence, la fédération a choisi de ne pas sélectionner de troisième patineur aux Mondiaux alors qu'elle disposait de ce quota : cette décision discutable traduit une crise de confiance et pose beaucoup de questions alors que l'avenir de Joubert et d'Amodio ne s'inscrit forcément qu'à court terme. Le constat est le même pour la génération suivante puisque Simon Hocquaux n'a pris que la dix-septième place des Mondiaux Junior. Un potentiel n'est pas suffisamment valorisé et les individualités semblent trop fragiles pour espérer figurer d'ici quelques années au plus haut niveau international.