Challenge 2020, Cergy : programmes courts

Alors que les championnats de France mi-décembre sont traditionnellement le point d’orgue de la première partie de saison, les annulations en cascade des compétitions suite à la situation sanitaire ont rendu le calendrier de patinage quasiment vierge : à la fin de l’année, 21 évènements sur 26 auront été annulés. Autant de mises en conditions et de points de repères en moins pour les patineurs, qui ont d’habitude toujours en ligne de mire la proche échéance, et qui désormais doivent trouver ailleurs une motivation pour s’entraîner du mieux possible. Autant d’opportunités manquées également pour les juges et les officiels de la fédération d’évaluer les progrès des patineurs, et de sélectionner ceux qui représenteront la France au niveau international. Il va falloir faire avec, et trouver d’autres solutions…

Après le regroupement de quelques patineurs à Grenoble il y a 15 jours, c’est au tour de Cergy d’accueillir une version un peu plus étoffée de l’Equipe de France, et un panel de juge au complet. Huis clos oblige, c’est une patinoire bien vide qui accueille cette ‘mise en situation’ qui ressemble pourtant bien à un mini championnat de France Elite, même s’il manque plusieurs noms et les disciplines de la synchro et du ballet.

Dans les conditions actuelles, et sans aucune visibilité sur la suite de la saison, c’est avec un plaisir certain que je retrouve les bords de piste après les Masters, en espérant qu’il y aura d’autres occasions prochainement, mais rien n’est moins sûr. D’un autre côté, le sentiment aussi d’avoir le privilège de pouvoir assister à ce regroupement, alors que beaucoup de personnes auraient sûrement aimé pouvoir assister aux évolutions de leurs patineurs préférés. Mais place aux patineurs, qui aujourd’hui présentent leur programme court. Je vous déroule ici la journée chronologiquement, cela vous obligera à passer par la danse !

Ce sont effectivement les danseurs juniors qui ouvrent le bal.
Pas de problèmes particuliers pour Loïcia Demougeot et Théo Lemercier sur ‘Your feets too big’, ils ne commettent aucune erreur et prennent la tête avec 67.22 points, soit quasiment le même score qu’aux Masters, à un point près. 5eme de la Finale du Grand Prix Junior il y a un peu plus d’un an, ils font partie des patineurs dont on sait déjà que leurs principales compétitions sont toutes annulées… Reste éventuellement le ballet, qui est plus tard dans la saison.

A Villard de Lans, la lutte fratricide avait été très serrée pour la deuxième place entre Marie Dupayage et Thomas Nabais et Lou Terreaux et Noé Perron (un centième d’écart). Marie et Thomas prennent plus largement l’ascendant aujourd’hui avec 61.12 points (soit plus de 5 points de plus qu’aux Masters), sur des musiques de ‘Singing in the rain’, et des petites erreurs sur les deux premières séries de twizzles.

Lou et Noé ont également amélioré leur score des Masters, avec 57.43 points, mais ils semblent déjà quelque peu distancés, sachant qu’à Villard le libre avait été à l’avantage de Marie et Thomas. Lou et Noé ont pourtant bien patiné sur un medley de ‘Motown the musical’, bien en rythme, mais là encore un petit accroc sur les twizzles (première série).

Chez les autres compétiteurs, j’ai bien aimé la première partie de la séquence de pas parallèle de Célina Fradji et Jean-Hans Fourneaux.

Place maintenant à la danse senior… En l’absence de Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, qui, avant l’annonce de l’annulation des championnats d’Europe, avaient d’ores et déjà annoncé se focaliser sur les mondes, il reste très intéressant de voir comment se positionnent dans la hiérarchie française les quatre couples en lice.

Julia Wagret et Pierre Souquet-Basiège s’élancent les premiers, sur le même montage musical de ‘Singing in the rain’ que Dupayage/Nabais, la partie de danse imposée à exécuter étant pourtant différente. Ils s’en sortent bien sur la partie Finnstep, même si les courbes sont un peu restreintes. Belle exécution, ils empochent 61.77 points (34.51 en technique, 27.26 en composantes).

Evgenia Lopareva et Geoffrey Brissaud les suivent, sur leur double version du thème ‘Too darn hot’ de Cole Porter. Leur patinage est vraiment précis, à l’image des twizzles qui est toujours un de leur point fort ; la comparaison directe avec leurs prédécesseurs sur la glace est à leur avantage, le Finnstep s’étale plus par exemple. 71.94 points au total (42.12 en technique et 29.82 en composantes), c’est un point et demi de plus qu’aux Masters.

Adelina Galyavieva et Louis Thauron s’élancent, sur les notes de ‘Mamma mia’ d’Abba. Très amples dans les pas, comme Evgenia et Geoffrey, Adelina et Louis sont aussi très amples dans la gestuelle du haut du corps. Ce qui saute clairement aux yeux, c’est qu’ils projettent énormément avec leur patinage ! La patinoire est vide, les murs noirs et les sièges blancs / gris foncé concentrent encore plus la lumière sur la glace, qui parait immense, et eux, au milieu, semblent patiner pour des spectateurs imaginaires qui seraient au dernier rang, tout au fond. Et assis sur mon siège, je n’ai qu’une envie : danser avec eux. Chapeau. Ils s’envolent avec 75.19 points (43.11 en technique et 32.08 en composantes), même si cela reste inférieur au score de Villard.

Marie-Jade Lauriault et Romain Le Gac patinent en dernier, mais c’est une première pour eux ! Terminées, les demoiselles de Rochefort qui pourtant leur allaient si bien. ‘Chicago’ est également un très bon choix musical, cela fait longtemps que je les attends sur ce registre rag-time / années folles, la coiffure de Marie-Jade résume bien l’époque et lui va comme un gant. Toute nouvelle danse pour eux, et donc contrairement aux autres concurrents qui ont gardé celle de l’année dernière, première sortie en public (pardon, en compétition). Bonne vitesse, beaucoup de moments pétillants, ils manquent peut-être un peu de rodage, et Marie-Jade a quelques difficultés sur les twizzles. Les voir deuxièmes ne m’aurait pas choqué, les composantes face à Lopareva/Brissaud sont en leur faveur (31.86 points), mais la technique est en dessous (40.05), pour un total de 71.91, soit une quasi-égalite.

Chez les dames juniors, uniquement deux engagées : Lola Gozali prend l’avantage sur Lorrine Schild pour environ un point et demi.Lola patine sur ‘I love Paris’, version française chantée Zaz. Le triple flip est très bien atterri aux 6 minutes, mais chuté dans le programme. C’est sa seule faute majeure, le triple Lutz et le double Axel passent ensuite bien. Elle aurait pu replacer la combinaison sur le triple Lutz pour grapiller quelques points, mais le timing est très serré dans son programme et la pirouette suit juste derrière.

Lorine a fait de bons échauffements, avec triple Lutz et une belle tentative de triple Salchow-triple boucle piqué. Dans son programme, sur ‘The Curse’, le Lutz est atterri très bas dans le genou, et le Salchow, en déséquilibre, ne peut être enchaîné qu’avec double boucle piqué.

Pour les dames seniors, également, deux compétitrices, qui ont fait leur échauffement avec les juniors.
En attendant que les notes de Lorine soient annoncées et qu’elle soit officiellement invitée à prendre sa pause de départ, Maïa Mazzara fait des tours de pistes et ne passe rien moins que tous ses sauts, alors que généralement les patineurs en font quelques-uns seulement, ou les passe en double. Sur les notes de ‘Je vole ‘ de Louane, Maïa est sensible et rapide sur la glace, le double Axel d’entrée est solide. Le triple Lutz, qui l’a quelque peu chahuté aux 6 minutes, est très propre, bien glissé. Un peu moins de réussite sur la combinaison triple boucle piqué-triple boucle piqué, incomplète, Maïa empoche tout de même 54.26 points sur ce programme court (27.84 + 26.42).

Léa Serna a conservé sa musique sur ‘Experience’ d’Einaudi. Le double Axel, qui peut être sa bête noire, est placé au tout début de programme. Il passe raisonnablement bien, avec la jambe libre qui vient toucher après la réception. Même erreur sur la combinaison triple Lutz-double boucle piqué, qui aurait pu être triple-triple tant le Lutz était facile. Le triple flip, pourtant un autre point fort de Léa, pris sans assez de vitesse, est chuté. Elle repart avec 49.02 points (24.42+25.60-1).

Chez les couples, Cléo Hamon et Denys Strekalin font nettement mieux qu’aux Masters, avec 65.49 points (quasiment 10 points de plus). Leur programme rock’n roll sur ‘Kill of the night’ est entraînant et vif. Triple twist, triple boucle piqué parallèle, bien atterri mais un peu éloigné, triple boucle lancé solide et avec une belle aisance, Cléo et Denys sont vraiment dans la glace. De bonnes reprises d’élan, une vrai unisson, et une pirouette parallèle en fin de programme très synchrone. Du bon travail !

Coline Keriven et Noel-Antoine Pierre sont un peu moins en réussite, même si avec 55.03 points ils améliorent leur score des Masters d’environ un point. Leur triple boucle piqué est un peu raide pour lui, avec des double trois pour elle, la pirouette parallèle n’est pas tout à fait calée par moment, et malheureusement Coline chute sur le triple boucle lancé, sa vitesse de rotation ne semblait pas suffisante, alors que Coline et Noel-Antoine semblent désormais très sûrs sur cet élément.

Belle bagarre en perspective chez les messieurs, même s’il n’y a que trois engagés : les six minutes d’échauffement voient des quadruples un peu partout : boucle piqué pour Romain Ponsart, Salchow pour Adam Siao Him Fa, boucle piqué et Salchow pour Kevin Aymoz.

Niveau exécution dans le programme, la palme revient à Romain Ponsart, qui patine en premier : tout passe ! Sûrement le meilleur programme court de Romain depuis un bon bout de temps. Jolie combinaison quadruple-triple d’entrée, le triple Axel avec une belle longueur… il faut tenir ! Le triple Lutz en fin de programme manque un peu de hauteur, mais le saut est tenu. Romain a frappé très fort, il faut toujours compter sur lui ! Surtout que son choix musical de ‘Fix you’ de Coldplay lui permet en plein de s’exprimer. Très joli programme, et 86.19 points (47.36+38.83).

Adam Siao Him Fa prend sa pause de départ… et ce ne sont pas des notes de musique que l’on entend, mais belle et bien la respiration de Dark Vador ! Si le thème est somme toute très peu utilisé dans les patinoires, il est à double tranchant : le thème principal de Star Wars est évidemment reconnaissable aisément, mais le reste du thème, moins connu, emporte moins les foules, voir devient un peu plat. Adam utilise intelligemment une version modernisée en deuxième partie, qui m’a fait penser au passage rythmé de la Diva du 5eme élément. Adam comment son programme par triple Lutz-triple boucle piqué, avec beaucoup de place sur le Lutz, qui me laisse penser que prochainement il pourrait bien y avoir un tour de plus… Le boucle piqué est un peu accroché, mais sa plus grosse erreur est le non déclenchement du quadruple Salchow, tourné en double ; quelques pirouettes auraient pu aussi être un peu plus rapides. Néanmoins, ce programme laisse une bonne impression, avec un triple Axel solide et une suite de pas rapide. Il récupère 71.70 points (33.86+37.84).

Kevin Aymoz avait fait un programme court assez moyen à Minsk il y a peu, avec des erreurs sur les sauts. Il entame son programme sur un thème indien (d’Amérique) avec quadruple boucle piqué-triple boucle piqué, avec certes un retournement entre les deux sauts, mais la difficulté est là. Le Salchow arrive tout de suite après, Kevin refait juste une boucle, une sorte de demi tour de piste, pour prendre la courbe du quadruple, ce qui me semble très court pour se remettre en jambe ; le quadruple est tenté, mais il manque trop de rotation pour éviter la chute. Tenter deux quadruples est tout de même courageux, même si cela devient nécessaire au plus haut niveau, et Kevin ne le fait que depuis peu. Malheureusement, le triple Axel, pourtant tellement facile habituellement, n’est pas déclenché (et avoir une patinoire vide n’aide pas à masquer le début de juron). Pendant une seconde, il semble que Kevin soit vraiment déçu et désarçonné, mais non, il termine son programme, avec une suite de pas dont il a le secret. Il remporte 72.64 points (31.47+42.17-1), tout juste devant Adam. Gageons qu’à l’instar de son libre de Minsk il nous sorte un quasi sans faute demain, il est en largement capable !