Lysacek en or

Et le nouveau champion olympique est … EVAN LYSACEK !!! A la surprise générale, c’est l’Américain Evan Lysacek qui remporte le titre olympique avec un programme parfaitement exécuté, devant un Evgeni Plushenko inhabituellement fragile. Et c’est le Japonais Daisuke Takahashi qui prend la médaille de bronze avec un programme très dansé.

Le classement du programme court promettait une lutte âpre entre les protagonistes, et c’est ce que l’on a vécu cette nuit. Evgeni Plushenko avait la faveur des pronostics : son expérience des grands rendez-vous, la fiabilité de sa combinaison quad-triple, ainsi que l’avantage de patiner en dernière position de son groupe pouvaient constituer des certitudes. Mais malgré une solide prestation, il doit s’incliner de justesse face à Evan Lysacek, qui avait auparavant mis la pression sur tous ses adversaires. L’Américain a réalisé un programme dans la lignée de son succès aux derniers championnats du monde : huit triples de belle facture et pas de risque inutile, avec en permanence le souci d’obtenir le score maximal pour chaque élément. Des choix particulièrement adaptés au COP, contrairement à Plushenko. Si le Russe a réussi d’entrée son quad en combinaison, la répartition du contenu technique au sein du programme est trop fragile : la deuxième moitié ne tient pas la comparaison par rapport à la première. De plus, la réalisation des sauts laisse à désirer, et cela s’en ressent au niveau des notes d’exécution. Tous ces détails permettent ainsi d’expliquer la légère différence sur la note technique en faveur de Lysacek, avantage décisif puisque les deux patineurs obtiennent la même note de composantes.

Lysacek est donc parvenu à confirmer son titre mondial : il est le premier patineur depuis Scott Hamilton à remporter l’or olympique en tant que champion du monde en titre. Le chemin fut long, semé d’embûches. Après son forfait aux Mondiaux 2008, et un début de saison 2008/2009 médiocre, ses chances pouvaient sembler s’envoler au sein d’une catégorie aussi dense. Mais il s’est battu, et a trouvé une constance qui aujourd’hui fut la clé de son succès. Le travail de préparation avec son entraîneur, l’expérimenté Frank Carroll, a fini par payer à force d’abnégation. Si l’on peut éprouver beaucoup de respect pour son parcours, cela n’empêche pas de pointer les mêmes limites : une musicalité absente, une gestuelle très faible, et un caractère générique qui n’apporte guère de valeur ajoutée à ses performances. Lysacek n’est pas un patineur complet et l’on peut toujours le regretter. C’est un compétiteur, dans tous les sens du terme.

La médaille d’argent est forcément une déception pour Plushenko…il s’était donné les moyens de ses ambitions, et échoue à un rien d’un historique second titre olympique. Mais c’était un pari : en ne travaillant pas l’équilibre de ses programmes, gardant seulement confiance en une stratégie efficace mais risquée, il pouvait craindre une déception. Or, il n’avait pas la même marge qu’en 2006 : moins d’endurance, des pas et des pirouettes encore plus laborieux, une théâtralité qui ne compense guère le manque de difficultés autres que les sauts. Encore davantage que Lysacek, Plushenko incarne lors de ces Jeux le prototype du patineur n’allant que dans une seule direction, laissant de côté tellement d’aspects de son sport.

Daisuke Takahashi remporte la médaille de bronze, là-encore avec un écart minime. Le patineur japonais fut très ému, et on peut le comprendre. Sa carrière était encore entre parenthèses il y a quelques mois, alors qu’il effectuait une longue convalescence. Une chute sur le quadruple boucle piquée, couplée à une dégradation, lui coûte le titre. Mais Takahashi ne peut logiquement que se réjouir de la médaille. Il a montré que certains doutes de la première partie de saison étaient derrière-lui, puisqu’il a su réagir en réalisant l’intégralité des triples sauts prévus dans son programme. Et si sa composition avait laissé dans les précédentes compétitions une impression un peu confuse, il a patiné cette fois-ci avec beaucoup de maîtrise et de finesse, ne faiblissant pas dans le final. Il réalise le programme le plus enthousiasmant et le plus complet, et c’est fort logiquement qu’il obtient les composantes les plus élevées de la soirée.

Stéphane Lambiel échoue à la quatrième place, moins d’un point derrière Takahashi. Il s’est montré très déçu de sa prestation, frustré de ne pas avoir pu se libérer et témoigner de son envie et de sa fièvre habituelle. Son incapacité à réaliser des réceptions propres lui a encore coûté des points, ainsi qu’une débauche d’énergie qui l’a fragilisé. Mais au-delà de ces réticences, son programme fut de très haute facture. Comme Takahashi, la glisse est musicale, la gestuelle à l’écoute des nuances. La fluidité des mouvements est chez lui toujours un modèle. Simplement, il ne parvient pas à s’affranchir d’une angoisse, d’une tension, impression marquante lors d’un final qui ne décolle pas comme il nous a donné l’habitude. Lambiel peut cependant quitter la compétition avec fierté même si celle-ci s’achève en demie-teinte. Il s’est battu malgré toutes ces incertitudes.

Patrick Chan remonte à la cinquième place, malgré un retournement sur un Lutz et une chute sur le second triple Axel. Il a cependant réussi toutes les autres difficultés, et il fait la différence au niveau des composantes, par la rapidité de sa glisse et la subtilité des pas. Sa saison reste cependant mitigée par rapport aux attentes générées par sa seconde place aux derniers Mondiaux…mais il aura beaucoup appris, et il a tout pour être un patineur incontournable du prochain cycle olympique, à condition de renforcer sa technique de sauts.

Johnny Weir termine sixième après un programme convaincant, très fiable sur le plan des sauts. Il n’a pas cette fois-ci laissé de points en route sur les combinaisons, et a tenu une intensité jusqu’au bout. Malheureusement, cela ne suffit pas pour la médaille, surtout avec une petite erreur sur la pirouette sautée assise. Techniquement, il ne refait logiquement pas son retard et son déficit sur les composantes le pénalise encore. Notation discutable mais compréhensible tant Weir, malgré la qualité de patinage, donne l’impression d’être enfermé dans un carcan.

Nobunari Oda rétrograde à la septième place : il n’a pourtant pas craqué sous la pression, mais a d’abord semblé patiner sur la réserve : sans quadruple, avec une combinaison 3-3 entachée d’un double trois, il avait déjà laissé passé sa chance. La suite est malheureuse : une chute sur triple boucle entraîne un problème de lacets puis une interruption. S’il reprend courageusement le fil de son programme, la pénalisation est sévère. Cette expérience doit lui servir pour un proche avenir.

Son compatriote Takahiko Kozuka le suit en huitième position, après un programme de haute volée. Il passe pour la première fois un quadruple en compétition, puis une combinaison 3-3 impeccable. Seule erreur majeure, une sévère chute sur le second triple axel. Mais l’impression d’ensemble est très positive et prometteuse car, comme Chan et Oda, Kozuka est aussi un patineur d’avenir. Si sa qualité de glisse ne manque pas d’impressionner, il devra montrer davantage d’assurance, donner un relief supplémentaire à des compositions remarquablement méticuleuses.

Après la déception du court, Jeremy Abbott a su se remobiliser pour remonter parmi les dix premiers, malgré une entame crispée, une chute sur le quad et un échec sur le flip. Mais il réalise par la suite deux triples Axels de haute volée, et reprend le fil de son programme. Le résultat reste évidemment frustrant quand on connait ses exceptionnelles qualités. Il paye encore une fois un début de carrière tourmenté, un manque d’expérience … et ce facteur pourrait le pénaliser jusqu’au bout de sa carrière. Mais avant tout, il doit aussi s’enrichir de cette expérience douloureuse, pour à nouveau aller de l’avant. Il a franchi tellement de paliers depuis ses débuts en Grand Prix fin 2007.

Michal Brezina, Denis Ten, et Florent Amodio réalisent ensuite un tir groupé, à l’image du programme court. Le libre fut plus délicat pour chacun d’entre eux, leurs prestations furent inégales. Mais l’impression d’ensemble reste largement positive, cete génération devant encore prendre le temps de s’épanouir. Pour sa première saison senior, Florent a montré beaucoup de choses : une capacité à faire face à la pression, à répondre aux attentes placées en lui. Et sa personnalité artistique est déjà affirmée, même s’il doit évidemment gagner en maturité. Mais il a tout pour poursuivre une progression régulière. On peut terminer l’état des lieux de la jeunesse en mentionnant les prestations encourageantes d’Artem Borodulin (treizième), désormais plus régulier, et de Javier Fernandez (quatorzième). L’envie et le charisme dégagés par ce dernier peuvent laisser beaucoup d’espoirs à l’Espagne.

A signaler également une belle performance d’Adrian Schultheiss, en réussite sur le quadruple saut. Son expression atypique offre une certaine fraîcheur, même si la raideur de sa posture reste un handicap.

Brian Joubert, par contre, n’a pas réussi à se reprendre sur ce libre, même s’il a montré du caractère. Mais les évènements récents l’ont épuisé et cela s’est ressenti sur le plan technique : chute sur le quad, retournement sur le triple Axel, main sur le Lutz. Il sait que la période à venir sera décisive pour la suite à donner à sa carrière. A lui de se relancer. Enfin, Tomas Verner prend une anonyme dix-neuvième place, indigne de son potentiel. Mais lui non plus n’était pas à fond dans son programme.

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